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1937, le génocide occulté des Haïtiens

Entre le 2 et 4 octobre 1937, les villes du nord-ouest de la République dominicaine connurent le « massacre du Persil »*. Sur ordre de la dictature de Trujillo, les immigrés et ressortissants haïtiens sont traqués puis tués à l’arme blanche par les soldats dominicains. Selon certains historiens, plus de 20 000 Haïtiens ont péri. Quelques mois après l’ignominie, les présidents Sténio Vincent (Haïti) et Rafael Trujillo (République dominicaine) trouvent un arrangement et évitent à la République dominicaine des sanctions diplomatiques et régionales. Plus de huit décennies plus tard, ce génocide, connu sous le nom de « massacre du Persil », n’est toujours pas reconnu par l’État dominicain, alors que meurent les derniers survivants. Portraits de ces rescapés, de lieux de mémoire et de l’héritage d’un pogrom passé sous silence.

Pierre Michel Jean (K2D)

24 août 2019 à 19h20

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dissertation sur le massacre de 1937

Haïti, Dosmond (Ouanaminthe), 2016. Marie Pierre (photo en haut à gauche) est née en 1918 dans le nord-est de la République dominicaine, avant que ne soit établi le tracé définitif de la frontière haïtiano-dominicaine en 1935. Avant le massacre de 1937, son père était agriculteur et propriétaire de « conucos » (propriété vivrière). Marie et le reste de sa famille ont échappé de peu aux tueries. L’histoire qu’elle a racontée à ses enfants parle d’une période de concorde et de solidarité entre voisins, avant le massacre. L’après marque le début d’une profonde rupture entre les deux peuples. Les trois fils de Marie Pierre (photo ci-contre) , le jour de l’enterrement de leur mère. Morte en février 2017 à 99 ans, Marie Pierre était sans doute la survivante de cette tragédie la plus âgée au moment du massacre. Les descendants des rescapés sont souvent très marqués par l’histoire de leurs parents. Ils expriment pour la plupart une grande aversion pour le peuple dominicain.

Haïti, Mont-Organisé (Ouanaminthe),  2016. Mériline Pierre (photo en haut à droite) ne se rappelle pas son âge au moment de la tragédie. Elle se souvient juste que sa famille a pu être sauvée grâce à un ami dominicain nommé Loye, qui les a avertis du massacre et leur a conseillé de fuir pour Haïti. De nombreux rescapés du massacre racontent ainsi que plusieurs Dominicains ont caché des immigrés haïtiens pour les sauver des soldats et sbires de la dictature qui en voulaient à leur vie parce qu’ils étaient haïtiens.

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Citer cet article

Par Sarah Lacasse, candidate à la maîtrise en histoire à l’Université de Sherbrooke sous la direction du professeur Jean-Pierre Le Glaunec

Dans la première moitié du XX e siècle, les Haïtiens travaillant dans les champs de canne à sucre de la République dominicaine sont régulièrement les victimes de mouvements haineux et de gestes à caractère xénophobe de la part des Dominicains, qui s’inscrivent dans une longue histoire de tensions et d’animosité entre les deux populations des pays partageant l’ancienne île d’Hispaniola. Ces tensions aboutissent au massacre du Persil, débutant au mois d’octobre 1937 [1] . Pendant plus de cinq jours, les militaires dominicains, sous les ordres de leur président Rafael Leónidas Trujillo Molina, massacrent des milliers d’Haïtiens près de la frontière dominicaine, principalement le long de la rivière Dajabon [2] , qui sépare Haïti de la République dominicaine. La rencontre du mot « massacre » et de l’herbe aromatique dans le nom de cet événement s’explique par le fait que les militaires dominicains présentaient du persil aux ouvriers agricoles et aux suspects haïtiens pour les identifier [3] . Lorsque ceux-ci étaient incapables de prononcer adéquatement avec l’accent espagnol le nom de cette herbe, ils étaient massacrés à la machette, car les militaires estimaient qu’ils étaient créolophones et, par le fait même, Haïtiens [4] . Certains chercheur.euse.s, dont Donna-Weir-Soley, estiment que cette tuerie s’est soldée par la mort d’environ 30 000 personnes haïtiennes, hommes, femmes et enfants [5] . Malgré l’ampleur de l’événement, le massacre est sous-représenté dans l’histoire haïtienne et dominicaine, tout comme dans les représentations culturelles et artistiques de ces deux nations. Ainsi, cette rubrique propose une réflexion sur la place qu’occupe le massacre du Persil de 1937 dans la littérature haïtienne, en passant du silence à l’omniprésence. Je m’intéresserai à la représentation artistique et culturelle du massacre dans les œuvres littéraires de Jacques Stephen Alexis, de René Philoctète et d’Edwidge Danticat, rarement étudiées par les historiens.

Compère général soleil (1955) de Jacques Stephen Alexis

Jacques Stephen Alexis – originaire d’Haïti et exilé en France – et son roman Compère général soleil (1955) s’inscrivent au sein du courant du réalisme merveilleux. Romancier haïtien et militant communiste, Alexis est né en 1922 et décédé en 1961 à Haïti. Il a vécu une partie de son adolescence à Haïti sous les régimes dictatoriaux de Sténio Vincent et de Lescot [6] . Il a grandi dans la politique et l’engouement culturel qu’a suscité la résistance à l’occupation d’Haïti. Le régime autoritaire et la répression de Lescot poussent Alexis à fonder un journal militant dans la Révolution de 1946, La Ruche . L’écrivain fut ensuite emprisonné et exilé en raison de son aspiration politique communiste. Lors de son exil, il écrit Compère Général Soleil , premier roman haïtien à tendance communiste sur cet événement historique.

Compère Général Soleil relate l’histoire d’Hilarion Hilarius, emprisonné pour vol, qui fait la rencontre d’un communiste en prison, Pierre Roumel, qui éveille sa conscience politique. À sa sortie de prison, Hilarion constate que les pauvres meurent de faim, alors que la classe bourgeoise et les politiciens haïtiens vivent dans l’abondance. Hilarion quitte alors Haïti avec sa bien-aimée, Claire-Heureuse, pour gagner la République dominicaine, où il devient coupeur de canne à sucre. Il sympathise avec le révolutionnaire Paco Torres qui lutte contre l’exploitation de cette classe de travailleurs [7] . Une grève ouvrière s’enclenche. Le gouvernement dominicain réagit par une élimination systémique des coupeurs de canne à sucre haïtiens. Hilarion mortellement blessé pendant le drame demande à Claire-Heureuse de poursuivre la lutte pour que le peuple haïtien vive dans la paix et l’égalité. Jacques Stephen Alexis raconte comment le massacre des travailleurs haïtiens de la canne s’inscrit dans la logique des dictatures fascistes et d’exploitation des hommes.

Comment aborde-t-il le massacre et pourquoi a-t-il écrit sur cet événement?

Jacques Stephen Alexis aborde le massacre du Persil dans une perspective politique dualiste. D’une part, son œuvre se veut une critique du gouvernement de Sténio Vincent, et d’autre part, elle est un appel à l’éveil du peuple haïtien caractérisé par l’idéologie communiste. Le roman d’Alexis critique donc le régime de Sténio Vincent et condamne sa passivité devant les injustices sociales, son indifférence à la pauvreté des Haïtiens, et son inaction politique lors du massacre du Persil, laissant en désarroi le peuple haïtien alors qu’il jouit de l’abondance, et use de corruption pour obtenir des gains personnels [8] . Ainsi, Alexis aborde le massacre du Persil dans la logique des dictatures fascistes. Quant à l’angle de l’appel à l’éveil du peuple haïtien caractérisé par l’idéologie communiste, Alexis l’évoque en mettant de l’avant un personnage militant communiste, Pierre Roumel, qui œuvre pour l’établissement d’une société démocratique à Haïti [9] . Ce militant provoque une prise de conscience politique et sociale chez Hilarion ce qui l’entraine dans la prise d’action pour transformer ce réel. De plus, l’auteur démontre que le massacre du Persil est le résultat d’une lutte de classe « dans laquelle les Haïtiens seraient pris comme boucs émissaires [10] ». Il n’y a pas d’opposition entre les Dominicains et les Haïtiens, puisque les « deux nations sont ‘’sœurs’’ et leurs malheurs sont dus aux rapports de classe. [11] »D’ailleurs, nous observons une fraternité entre les deux peuples, où d’une part, les Dominicains tentent de protéger les Haïtiens : « Le peuple dominicain livrait bataille comme il pouvait, avec tout son cœur, avec toutes ses mains, il disputait chaque vie aux tueurs fascistes et à la mort. [12] » D’autre part, cette fraternité se traduit par le fait qu’ils sont soumis à la même exploitation capitaliste, dont « la misère et la lutte du prolétariat. [13] » De ce fait, les victimes sont tuées non pas en raison de la prononciation incorrecte du mot  perejil , mais plutôt en raison de la grève communiste [14] . L’auteur a écrit sur le massacre du Persil pour faire valoir les tendances politiques de l’époque qui sont « favorables aux activités du mouvement socialiste qui s’efforçait de soutenir les ouvriers haïtiens en cherchant des appuis à travers le monde. [15] » Dans son roman, Alexis tente d’entrainer les masses populaires dans une lutte contre les classes, afin d’obtenir la solidarité des peuples devant les injustices [16] .

Le peuple des terres mêlées (1989) de René Philoctète

Le poète, écrivain et journaliste haïtien, René Philoctète (1932-1995) a écrit Le peuple des terres mêlées en 1989, s’inscrivant cette fois dans un courant littéraire nommé le spiralisme. Ce mouvement littéraire haïtien « libère une force révolutionnaire qui s’oppose au régime autoritaire de la dictature. Il échappe ainsi à la fascination malsaine d’un pouvoir qui tâche de confisquer et de maîtriser le désir, tout entier tourné vers la figure du dictateur. [17] » Il écrit ce roman alors qu’Haïti est bouleversé politiquement – fin de la dictature des Duvalier suivis par une junte militaire dirigée par le général Namphy (1986 à 1988) et de la présidence de Prosper Avril (1988 à 1990) où une instabilité politique se fait sentir chez les opposants politiques [18] – et connaît un mouvement populaire important, dont un engouement littéraire [19] . Ce roman illustre le massacre du Persil comme un « génocide » des Haïtiens ordonné par le président dominicain Trujillo qui se déroule à Elias Pina, en République dominicaine, où Dominicains et Haïtiens se côtoient et travaillent ensemble [20] . Le couple de Pedro Brito, dominicain, et Adèle, haïtienne, vivent dans ce village. Dès que le massacre des Haïtiens est amorcé, Pedro tente de sauver Adèle de toutes ses forces. L’œuvre spiraliste de Philoctète raconte le massacre sous les thèmes du chaos identitaire, de la mémoire traumatique, de la confusion et de l’aliénation [21] . 

Philoctète aborde le massacre du Persil dans son roman comme le résultat d’une division ethnique sans fondement entre les Dominicains et les Haïtiens [22] . L’auteur dénonce cette division en faisant référence au syndrome du miroir : « Quatorze Dominicains sur quinze, chaque jour, durant des heures, consultaient les miroirs. Ils s’examinaient, s’inventoriaient. Celui qui se voyait brun clair, brun entre les deux, pouvait respirer; il répondait au critère anthropologico-trujilliste : il était blanco de la tierra . Ou très proche. Apte aux promotions sociales. Mais celui qui se découvrait noir tout entier, à demi, au tiers, au quart, s’inquiétait pour de bon. Il était destiné à souffrir. [23] » Cette citation extraite de l’Philoctète relate l’absurdité du massacre en démontrant l’inquiétude des Dominicains à savoir s’ils ont trop de ressemblance avec les Haïtiens. Le dominicain a désir de paraître blanc, le mulâtre dominicain a honte de ses racines africaines et il discrimine le « nègre » soit l’Haïtien. Le dominicain noir évoque in primis qu’il n’est pas haïtien. Être noir signifie être haïtien et être haïtien signifie avoir des racines africaines. La question de la couleur est centrale et par le fait même rattaché à l’origine ethnique. D’ailleurs, l’auteur met de l’avant l’incompréhension entre les deux peuples concernant l’origine du génocide. Les personnages centraux, Pedro, dominicain, et sa femme Adèle, haïtienne, évoquent ce sentiment d’incompréhension, puisque ce couple représente la dualité ethnique. Ensuite, Philoctète met l’accent sur la langue dans la destinée des victimes, car la prononciation perejil détermine l’identité ethnique. Philoctète décrit le massacre du Persil comme une aberration où la mort repose sur un seul mot : « “Perejil” es la palabra cuyo valor social, al ser emitida, equivale a sobrevivir o a morir […] [afin d’imposer] paulatinamente la “pureza” lingüística del español que el estado dominicano desea imponer como lengua única y legítima para consolidarse. [24] » Nous observons que Philoctète a écrit sur ce génocide pour démontrer l’absurdité de cet évènement où selon lui, « the dissension and the hatred between those two peoples are, for me, but an accident of history. History has stupidly, ridiculously, divided those two peoples. […] These two peoples, who had violent disputes about their government, are in fact only one people. [25] » Il s’exprime en dénonçant le massacre et son non-sens. L’auteur a écrit sur ce génocide pour démontrer « the absurdity of this physical division among cohabiting peoples in thrown into relief by the current of socio-political unrest underlying the narrative. [26] » Pour Philoctète, il n’est pas que question de tuer indistinctement les Haïtiens. On passe d’un massacre à un génocide dans le traitement de cet événement par l’auteur, car il démontre dans son œuvre que le massacre du Persil est une extermination des Haïtiens basée sur des critères ethniques et raciaux. Il dénonce par le fait même le fascisme des dominicains, et plus globalement toutes les dictatures qui exercent des répressions sans fondement. Il appelle donc à un militantisme face aux dictatures, mais aussi un militantisme face à l’idéologie raciale. Ainsi, Philoctète encourage la solidarité des peuples.

La récolte douce des larmes (1999) d’Edwidge Danticat

Finalement, La récolte douce des larmes (1999)d’Edwidge Danticat (originaire d’Haïti, mais habitant aux États-Unis) s’inscrit dans le courant littéraire porté par la diaspora haïtienne. Ainsi son œuvre pose un regard « sur l’histoire et sur l’actualité [qui] n’autorise ni le sensationnalisme ni la pitié, examinant en particulier la réalité du peuple haïtien [27] ». Danticat a écrit ce roman à la suite d’un voyage à Haïti où elle s’est aperçue de l’absence des lieux de commémorations du massacre, une absence qui l’a troublée. [28]  Ce roman met en scène l’histoire d’une haïtienne, Amabelle Désir, servante d’une riche dominicaine nommée Valencia. Amabelle, amoureuse de Sébastien, un coupeur de canne à sucre haïtien en République, observe de près la venue du massacre du Persil. Dans le récit comme dans la réalité, les militaires de Trujillo identifient les Haïtiens par la prononciation du mot perejil . Amabelle réussit à s’enfuir. Lorsque le massacre prend fin, le gouvernement dominicain octroie une compensation financière aux survivants et demande à ceux-ci de raconter leur histoire. Finalement, ils n’obtiennent rien tant dans la fiction que dans la réalité. Ce roman rend hommage aux victimes du massacre, notamment en racontant l’histoire d’une femme qui y a péri par l’entremise du personnage d’Amabelle [29] . L’hommage qu’offre Danticat vise, dans une plus large perspective, à répondre à l’amnésie de la nation et à l’inaction du gouvernement haïtien suite au massacre. Tout compte fait, elle a écrit ce roman pour démontrer que la justice n’a pas été rendue : « The borders between fiction and reality blur, as the literary text becomes the testimony that Amabelle never manages to give to the Justice of the Peace. Instead, the hegemonic Haitian state in complicity with its Dominican counterpart silences the voices of the victims. [30] »

Comment aborde-t-elle le massacre et pourquoi a-t-elle écrit sur cet événement?

L’œuvre de Danticat est un roman de mémoire basé sur des faits historiques. Elle explore cet évènement douloureux de l’histoire haïtienne en offrant une « lyrical intensity, vivid descriptions of Haitian places and people, and honest depictions of fear and pain. [31] » D’une part, Danticat aborde les inégalités de classe entre les Dominicains et les Haïtiens. Nous observons que la pauvreté, et l’inégalité des classes sont la source du massacre [32] . Néanmoins, Danticat aborde le massacre du Persil comme le résultat d’une hostilité des Dominicains envers les Haïtiens en mettant l’accent sur les préjugés raciaux des personnages dominicains envers les haïtiens [33] . D’autre part, Danticat laisse entendre que le massacre du Persil a provoqué un traumatisme auprès de la population haïtienne au sein des deux nations insulaires, qui contribua à brimer cette collectivité sur le long terme [34] . En effet, à la fin du roman, lorsque les personnages se rendent en ville pour raconter leur histoire, nous observons que « that memory is so blocked by their pain that the Haitian Revolution becomes itsels a source of trauma. [35] » À cet égard, La récolte douce des larmes aborde le massacre du Persil comme une analyse de la mémoire collective. Ce récent événement traumatique nivelle enfin toute l’histoire en un passé traumatisant [36] .  Le passé révolutionnaire haïtien, moment fort de la construction nationale et identitaire haïtienne, ne se présente plus comme source de mémoire collective. Le massacre de 1937 fait tomber dans l’oubli le fait que le peuple haïtien a été le premier peuple et État noir ayant obtenu son indépendance grâce à la Révolution haïtienne et ayant permis l’abolition de l’esclavage. Ce traumatisme collectif brime la mémoire collective. Finalement, l’auteure s’est aperçue de l’absence des lieux de commémorations du massacre ce qui l’a troublée [37] . Écrire à ce sujet est un acte de mémoire. Danticat récupère la mémoire collective dans le «propre but d’instancier une nouvelle mémoire collective à l’ère de Trujillo [38] » grâce au pouvoir de la langue et de la fiction par son roman.

Le pouvoir de la littérature et sa portée culturelle comme mode de résistance

La construction du nationalisme identitaire haïtien au XXe siècle passe par sa littérature qui met l’accent sur l’histoire douloureuse d’Haïti. Les trois œuvres analysés précédemment constituent un élément de réponse indispensable à l’analyse de la place qu’occupe le massacre dans la mémoire collective sous trois perspectives littérairement et culturellement différentes. Alexis aborde le massacre en appelant à un éveil du peuple et à la lutte contre les inégalités en prônant l’idéologie communiste. Philoctète insiste sur les représentations d’une division ethnique entre les Dominicains et les Haïtiens. Danticat, pour sa part, traite de la réalité sociale des survivants du massacre. Malgré ces différents angles d’approche, les auteurs dénoncent le massacre du Persil, et abordent ce génocide comme le résultat des inégalités sociales, politiques et raciales. On comprend que pour les deux premiers auteurs, le massacre est un levier pour dénoncer les dictatures dans lesquelles ils ont vécu. La dernière auteure, stupéfaite par l’absence des lieux commémoratifs au sein des deux nations insulaires, aborde le massacre du Persil avec l’objectif de créer un espace pour la mémoire collective à l’ère Trujillo tout en offrant un visage et une histoire au massacre du Persil ce qui a permis de concilier les Haïtiens à cette histoire douloureuse. Outre, ces trois romans et celui de Louis-Philippe Dalembert (1998) L’autre face de la mer , le massacre est peu présenté dans les arts et cette absence s’explique notamment par le silence d’État haïtien et dominicain. La représentation artistique du massacre a évolué de la littérature, en tant que mode de résistance, à de nouvelles formes artistiques du XXIe siècle de types commémoratifs face à ce massacre en République dominicaine. À la fin des années 90 et début 2000, il y a un essor des études littéraires sur Haïti aux États-Unis. De plus, l’œuvre d’Edwidge Danticat stimule le champ littéraire haïtien et amène les intellectuels [39] à s’y pencher en raison de sa popularité. Il ne faut pas perdre de vue le bicentenaire de l’indépendance d’Haïti en 2004 qui provoque un afflux de production d’études scientifiques sur l’histoire d’Haïti. On peut donc penser qu’il existe un engouement envers les actes commémoratifs en République dominicaine. Ces actes commémoratifs se présentent, à mon sens, comme un mode de résistance face à l’anti-haïtianisme (une des causes qui ont mené au massacre) qui perdure ainsi qu’au silence d’État qui a sévi pendant de nombreuses décennies. Les commémorations se présentent également comme un désir de perdurer la pratique artistique, maintenant de types commémoratifs, face à ce massacre en République dominicaine, dont les fresques érigées lors du 80 e anniversaire du massacre en 2017.

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[1] Elizabeth Langley, « Performing Postmemory : Remembering the Parsley Massacre in ‘Nineteen Thirty-Seven’ and Song of the Water Saints», Latin Americanist , vol. 60, no. 1 (2016), p. 63.

[2] « Parsley Massacre Remembered», America , vo. 207, no 12 (2012), p. 8.

[5] Donna Weir-Soley, « Voudoun symbolism in ‘’The Farming of Bones’’», Obsidian III , vol. 6/7, no. 2/1 (2005), p. 167.

[6] Sourieau et Balutansky, Écrire en pays assiégé , Amsterdam, Rodopi, 2004, p. 106.

[7] Pierre Schallum, « Le Réalisme Merveilleux de Jacques Stephen Alexis : esthétique, éthique et pensée critique », Thèse de doctorat (philosophie), Québec, Université Laval, 2013, p. 127.

[8] Jacques Stephen Alexis, General Sun, My Brother , Virginie, Universiy of Virginia, 1999, p. XVII.

[9] Alexis, General Sun, My Brother , p. XVII à XIX.

[10] Sophie Maríñez, « Le massacre de 1937 en République Dominicaine : distorsions littéraires », Revista Mexicana Del Caribe , no.22, 2016, p. 95.

[11] Ibid .

[12] Jacques Stephen Alexis, Compère Général Soleil , Paris, Gallimard, 1955, p. 319.

[13] Maríñez, « Le massacre de 1937 en République Dominicaine : distorsions littéraires », p. 93.

[14] Alexis, Compère Général Soleil , p. 283.

[15] Sourieau et Kathleen M. Balutansky, Écrire en pays assiégé , p. 124.

[16] Schallum, Le Réalisme Merveilleux de Jacques Stephen Alexis : esthétique, éthique et pensée critique , p. 193-194.

[17] Marie-Édith Lenoble, « Frankétienne, maître du Chaos», Trans- Revue de littérature générale et comparée , no 6 (2008), p. 3.

[18] Francisco Paulcéna, « Le ‘’mouvement populaire haïtien’’ des années 1980-1990 : pratiques et perspectives analytiques», Mémoire de maîtrise (sociologie), Montréal, Université du Québec à Montréal, 2007, p. 87-88.

[19] Ibid ., p. 112.

[20] Lucille Cormier (2006, mai), Massacre River , sur le site Historical Novel Society , consulté le 3 décembre 2019, https://historicalnovelsociety.org/reviews/massacre-river/

[21] Kaiama L. Glover, « Productive Schizophrenia Les possédés de la pleine lune, Aube Tranquille and Le Peuple des terres mêlées », dans Haiti unbound : a spiralist challenge to the Postcolonial canon , Liverpool, Liverpool University Press, 2010, p. 96.

[22] Ibid .,  p. 90.

[23] René Philoctète, Le peuple des terres mêlées , Port-au-Prince, Éditions Henri Deschamps, 1989, p. 70.

[24] Traduction libre : « «Perejil» est le mot dont la valeur sociale, une fois prononcée, équivaut à survivre ou à mourir […] [afin d’imposer] progressivement la «pureté» linguistique de l’espagnol que l’État dominicain souhaite imposer comme langue unique et légitime pour se consolider. » Voir : Áurea María Sotomayor-Miletti, « ‘’Prononciar ‘Perejil’ en El Río Masacre’’», Cuadernos De Literatura , vol. 15, no.30 (2011), p. 186.

[25] s.a. (1992), « Rene Philoctete», Callaloo [article], vol. 15, no.3, sur le site Jstor , consulté le 3 décembre 2019, http://www.jstor.org.ezproxy.usherbrooke.ca/stable/pdf/2931980.pdf

[26] Kaiama L. Glover, Haiti Unbound : A spiralist challenge to the postcolonial canon , Liverpool, Liverpool University Press, 2010, p. 90.

[27] Île en île (août, 2017), Edwidge Danticat [site Web], consulté le 24 septembre 2019, http://ile-en-ile.org/danticat/

[28] Gale, éd., A Study Guide for Edwidge Danticat’s ‘’ The Farming of Bones’’ Literature of developing nations for students ,  p. Introduction.

[29] Ibid .

[30] Martin Munro, Edwidge Danticat : A Reader’s Guide , Virginie, University of Virginia Press, 2020, p. 34

[31] Gale, éd., A Study Guide for Edwidge Danticat’s ‘’ The Farming of Bones’’ Literature of developing nations for students ,  p. Introduction.

[32] Munro, Edwidge Danticat : A Reader’s Guide , p. 48.

[33] Maríñez, « Le massacre de 1937 en République Dominicaine : distorsions littéraires », p. 78-79

[34] Valerie Kaussen, Migrant revolutions : Haitian literature, globalization, and U.S. Imperialism ,  Washington DC, Lexington Books, 2007, p. 207.

[35] Ibid ., p. 193.

[36] Ibid ., p. 194.

[37] Gale, éd., A Study Guide for Edwidge Danticat’s ‘’ The Farming of Bones’’ Literature of developing nations for students ,  p. Introduction

[38] Kelly Lyon Johnson, « Both Sides of the Massacre : Collective Memory and Narrative on Hispaniola », Mosaic : a Journal for the Interdisciplinary Study of Literature; Winnipeg , vol. 36, no 2 (2003), p. 78.

[39] Pour ne nommer que : Lauro Capdevila « Una novela-testimonio dominicana sobre la dictadura de Trujillo?: El Masacre se pasa a pie de Freddy Prestol Castillo » (2003); Marie-Agnès Sourieau et Kathleen M. Balutansky, Écrire en pays assiégé (2004); Roberto Strongman « Reading through the Bloody Borderlands of Hispaniola: Fictionalizing the 1937 Massacre of Haitian Sugarcane Workers in the Dominican Republic » (2006); Boland Roy Trujillo, trauma, testimony : Mario Vargas Llosa, Julia Alvarez, Edwidge Danticat, Junot Díaz and other writers on Hispaniol (2009); Nadège Tanite Clitandre Haiti Re-membered: Exile, Diaspora, and Transnational Imaginings on the Writings of Edwidge Danticat and Myriam Chancy (2009); Judith Misrahi-Barak « Exploring Trauma through the Memory of Text: Edwidge Danticat Listens to Jacques Stephen Alexis, Rita Dove, and René Philoctète » (2013); François Irline Writings on Caribbean History, Literature, Art and Culture: One Love (2018); Maria Cristina Fumagalli On the Edge: Writing the Border Between Haiti and the Dominican Republic (2015).

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Le massacre 1937 : un devoir de mémoire

dissertation sur le massacre de 1937

«  Les peuples qui ne réfléchissent pas sur leur passé sont condamnés à le revivre. » George Santanya

La nouvelle crise haïtiano-dominicaine née de l’initiative de Ouanaminthe a rallumé de part et d’autre de l’île Quisqueya le ressentiment et la fièvre nationaliste. Toute une machine de propagande est mise en place par Luis Abinader et son équipe gouvernementale pour alimenter la haine contre les Haïtiens qui sont partout dans le pays persécutés depuis près d’un mois par les Dominicains dits ultra-nationalistes . Par milliers et dans des conditions infrahumaines, les Haïtiens de toutes conditions sociales par peur de représailles- fuient la Partie Est pour retourner chez eux malgré la fermeture des frontières et en dépit du climat d’insécurité qui sévit en Haïti. Ils sont hantés par le spectre du Massacre de 1937 appelé également en République Dominicaine Massacre de Perejil . Quatre-vingt-six ans après, ce génocide reste encore vivant dans l’esprit de la population.

Par Massacre de Perejil, il faut entendre un ensemble de meurtres perpétrés au début du mois d’octobre 1937 en rapport à la décision du président de la  République dominicaine d’alors , Rafael Leonidas Trujillo Molina, d'éliminer physiquement les  Haïtiens  travaillant dans les plantations du pays le long de la ligne frontalière du Nord-Est. Comment s’est déroulée cette hécatombe ?

Le docteur Jean Price-Mars dresse le tableau sombre de cette nuit terrifiante. D ans la nuit du 2 octobre 1937 écrit-il (…) à Dajabon, ville dominicaine, située sur la rive droite du « Massacre », à moins d'un kilomètre de la ville haïtienne de Ouanaminthe - et après un meeting populaire organisé en la localité en l'honneur du généralissime Leonidas Trujillo Molina, en brève tournée dans la région, le carnage des Haïtiens, à l'arme blanche, commença dans la ville même. Femmes, vieillards, enfants, hommes valides, tout y passa. Ce fut dans cette nuit tragique un sauve-qui-peut formidable des résidents haïtiens de Dajabon et des environs, blessés ou non, à travers la rivière pour atteindre Ouanaminthe où l'alarme fut donnée [1] . Quels sont les facteurs explicatifs de cette hécatombe ? En quoi traduit-elle la faiblesse de l’État haïtien et la puérilité de nos gouvernants ?

Le discours de Trujillo à Dajabon

Le 2 octobre 1937, le dictateur dominicain a prononcé un discours à Dajabón dans lequel il a poussé à l’extrême le sentiment national et encouragé les Dominicains à se débarrasser des Haïtiens présents sur leur territoire. À cette occasion, Trujillo déclara :  «  Depuis quelques mois, j'ai voyagé et traversé la frontière dans tous les sens du mot. Pour les Dominicains qui se plaignaient des déprédations par les Haïtiens qui vivent parmi eux, les vols de bétail, des provisions, fruits, etc., et sont ainsi empêchés de jouir en paix des fruits de leur travail, j'ai répondu : Je vais corriger cela. Et nous avons déjà [2] commencé à remédier à la situation. Trois cents Haïtiens sont morts aujourd'hui à  Bánica . Ce remède va se poursuivre » .

Du 2 au 4 octobre, pendant trente-six heures, la symphonie rouge en nappes lourdes répandit la tristesse des sanglots, des lamentations, des hoquets d'agonie vomis par la multitude haïtienne à travers les localités du Nord [3] en terre voisine. Au décompte, p lus de 20 000 paysans haïtiens ont été massacrés à armes à feu, à couteaux sous les yeux passifs de l’armée et des autorités dominicaines qui font état par la suite d’actes isolés et d’incidents mineurs. 

La question frontalière

Les États frontaliers font souvent la guerre pour l’espace ou pour les ressources. C’est en ce sens que Friedrich Ratzel affirme tout État frontalier, lutte avec son voisin pour l’espace et cherche à accroître son espace pour se procurer des ressources [4] . Le cas d’Haïti et de la République dominicaine en est une parfaite illustration. Depuis deux siècles, ces deux États ont tissé des relations conflictuelles jusqu’à nos jours. La question frontalière est un des points cruciaux de ce conflit.

Après plus d’un siècle de conflictualité, en 1929, un traité fut conclu entre les présidents Louis Borno et Felipe Horacio Vásquez pour la délimitation de la frontière haïtiano-dominicaine. Ce traité porte préjudice aux intérêts haïtiens. Haïti perd plusieurs milliers de carreaux de terre dans le Plateau central au profit de la République voisine.

 Le président Vincent, une fois au pouvoir, se proposa de renégocier cet accord. En 1935, les deux pays ont signé un nouveau traité qui permet à Haïti de récupérer la quasi-totalité des terres concédées en 1929.

Le problème n’est pas totalement résolu pour les nationalistes dominicains . Ces derniers considèrent la présence des travailleurs haïtiens dans la zone frontalière comme une menace pour l’intérêt dominicain. En octobre 1937, deux ans après le traité de 1935, Trujillo ordonna le massacre des paysans haïtiens le long de la ligne frontalière septentrionale. Selon Juan Almoina le génocide « … clarifiait la situation une fois pour toutes et libérait le futur de la patrie. Trujillo a pris une mesure énergique qui règle la question de la frontière pour toujours. ». Selon l’auteur, ce massacre avait pour objectif d’homogénéiser la population dans la zone frontalière et de détruire cet embryon de « république haïtienne » que décrivaient les autorités dominicaines de l’époque confrontées à l’importance de l’immigration haïtienne dans leur pays.

Le problème du ressentiment .

Le ressentiment est une forme de  rancune  mêlée d' hostilité  envers ce qui est identifié comme la cause d'un  tort  subi ou d'une  frustration . Un sentiment de faiblesse, d' infériorité , de  jalousie  face à cette  cause  conduit à la rejeter ou à l'attaquer et la transformer en un véritable levier d’action. Selon Marc Ferro, à l'origine du « ressentiment chez l'individu comme dans le groupe social, on trouve toujours une blessure, une violence subie, un affront, un traumatisme. Celui qui se sent victime ne peut pas réagir, par impuissance. Il rumine sa vengeance qu'il ne peut mettre à exécution et qui le taraude sans cesse. Jusqu' à finir par exploser [5]  ».

Le ressentiment des Dominicains envers les Haïtiens découle des différentes incursions de l’armée haïtienne en terre voisine de Toussaint Louverture (1801) à Faustin Soulouque (1849, 1856) en passant par Dessalines (1805) et Boyer (1822). Ils se sentent alors blessés dans leur orgueil de peuple et leur dignité nationale. Ils n’attendaient que le moment opportun pour prendre leur revanche sur Haïti dont ses incursions militaires sont considérées comme des humiliations pendant tout le premier cinquantenaire du XIX e siècle.

Le problème socio-ethnique.

Pour les extrémistes dominicains [6] , ces deux peuples ayant des cultures et des traditions différentes ne peuvent cohabiter d’autant que les Haïtiens représentent, à leurs yeux, l’Afrique qu’ils répudient. Pour eux, il faut à tout prix éviter le métissage de la société dominicaine à partir de l’élément haïtien. Il s’agit alors d’un nettoyage ethnique visant à blanchir la « race dominicaine » par l’assassinat de tous les Haïtiens se trouvant sur leur territoire. Analysant ce problème de couleur, Michelle E.J. Martineau soutient que la population haïtienne est principalement d’ascendance africaine (environ 95%) et de peau foncée contrairement à la République dominicaine d’ascendance amérindienne et mulâtre (à 70% selon les derniers chiffres) et donc de peau claire. Cette distinction va même plus loin puisqu’il semble exister des marqueurs identitaires (phénotypes). Relevant des critères de beauté de type occidental (traits fins, cheveux lisses, peau claire) ceci distingue, de façon péjorative, l’Haïtien du Dominicain. Bien entendu, la langue est aussi un élément distinctif où le français et le créole sont les langues officielles pour le territoire haïtien face l’espagnol pour la République dominicaine.  La prise en compte de ces éléments est importante puisque l’ethnie, mais aussi et surtout la langue seront des motifs qui entraineront par la suite le nettoyage ethnique voulue par les autorités étatiques dominicaines [7] .  

Un complexe d’infériorité

Dominicain d’origine haïtienne, Trujillo [8] souffre alors d’un complexe d’infériorité comme Adolf Hitler (autrichien). Pour se faire accepter pleinement par la société dominicaine en dépit de son ascension politique et militaire, le caudillo cherchait à poser des actions d’éclat témoignant de son attachement indéfectible à la cause du peuple dominicain. À l’instar du chef du Parti nazi qui a fait de la lutte contre les Juifs un ferment idéologique pour rallier les Allemands autour de lui, le chef du dictateur dominicain a instrumentalisé la question haïtienne. L’Haïtien est caricaturé comme un péril contre lequel l’on doit collectivement se battre. Voilà comment Saphir Paulémon présente le personnage et analyse le problème  : «  Le Président Rafael Trujillo homme de teint pâle, à son ascension au pouvoir en 1930 était méprisé par l’élite blanche dominicaine, qui l’excluait des soirées mondaines qu’elle organisait, parce qu’ils n’étaient pas de la même couleur. Trujillo a vite compris que l’accès au sommet de l’échelle sociale de l’élite dite Criolla était la blancheur. Et, pour se faire accepter par ladite classe, il prônait une idéologie de suprématie blanche, et se donnait pour mission d’éliminer d’un seul coup les marques de noirceur sur le territoire, ce que représentait le peuple haïtien à ses yeux [9]  ».

De ce massacre, l ’artisan du Putsch de 1930 cherche à en tirer des dividendes politiques. Il voulait enflammer le sentiment national dominicain afin de se faire passer comme le vengeur des humiliations subies par la République dominicaine au cours de l’histoire. Ce qui lui permettra de mieux asseoir sa dictature sanguinaire et se faire accepter au sein de l’aristocratie blanche dominicaine. Cet acte génocidaire peut-être aussi lié à la mégalomanie et aux ambitions hégémoniques de Trujillo qui voulait défier la force militaire haïtienne plus faible et moins équipée en vue de l’humilier comme l’armée haïtienne l’avait fait au début du XIX e siècle.

Le problème économique 

Au cours de l’Occupation américaine, des paysans ont été dépossédés de leurs terres. Ils partaient alors travailler dans les plantations sucrières dominicaines. La présence des Haïtiens en territoire voisin n’est bien vue par les ouvriers dominicains qui les rendent responsables du bas salaire octroyé par les patrons et les entreprises. Sans pour autant négliger la volonté de s’accaparer des biens des Haïtiens aisés de l’époque qui vivaient de l’autre côté de la frontière , certains Dominicains souhaitent alors éliminer ces concurrents étrangers afin de faire augmenter le coût de la main-d’œuvre et réduire le taux de chômage dans l’'intérêt des nationaux dominicains. Dans l’Énigme haïtienne, Sauveur Pierre Etienne, fait le point sur la question en soutenant que «   la présence massive d’Haïtiens travaillant et en quête de travail dans les champs de canne à sucre en République dominicaine constituait depuis longtemps une préoccupation majeure pour les autorités de ce pays. Ce phénomène avait pris une telle ampleur que l’opinion publique dominicaine s’en alarma et en vint à parler de la ‘’ menace haïtienne ‘’. Le quotidien  Listín Diario,  commentant le déséquilibre que la présence de l’ouvrier haïtien, disposé à travailler pour une pitance, provoquait sur le marché du travail, écrit dans sa livraison des 4 et 5 mars 1924 ‘’ Les Dominicains se réjouiraient si la visite des 100 000 hôtes haïtiens s’interrompait. Cet élément étranger, indésirable, représente le dixième de la population ‘’. Il constitue une invasion annuelle qui échappe aux lois et demeure dans le pays [10] » .

Comment cette hécatombe était-elle perçue dans l’opinion publique haïtienne et quelle a été l’attitude du gouvernement d’alors, gardien de l’honneur et de la dignité du peuple ?

Un acte révoltant

Cette hécatombe souleva l’indignation et la colère au sein de la population . La fièvre nationaliste envahit tous les secteurs de la société. La jeunesse protesta. Une importante manifestation a été organisée par les jeunes écoliers et universitaires après le massacre pour forcer le président Vincent à déclarer la guerre à la République dominicaine afin de se venger des Haïtiens assassinés.

Dans un échange avec ces jeunes en colère, le président avoua l’impuissance de l’armée haïtienne qui ne disposait pas plus que deux heures de combat . Les propos glaçants du chef de l’État ont plongé les nationalistes partisans de la guerre dans la désillusion et le désarroi.

Cela traduit alors l’échec de l’Occupation américaine d’Haïti. Après 19 ans, les occupants ne parvenaient pas à doter le pays d’une force armée capable d’assurer la défense du territoire national. Qu’en est-il de l’attitude de Vincent face à Trujillo ?

La diplomatie haïtienne capitula. Elle se révéla incapable à défendre l’intérêt national. Elle ne se montrait pas à la hauteur de sa mission historique. Voulant cacher l’ampleur du drame qui a impacté négativement sur l’image de la République dominicaine, Trujillo s’empressait de trouver une entente avec les autorités haïtiennes. Celle-ci prévoyait le versement de 750 000 dollars à l’État haïtien en guise de dédommagement pour les familles des victimes. En réalité, seulement 525 000 dollars sont versées à raison de 25 dollars par victime.

 En acceptant ce compromis honteux, Sténio Vincent et son gouvernement ont écrit l’une des pages les plus tristes et les plus sombres de l’histoire diplomatique haïtienne.

L’attitude défaitiste des autorités haïtiennes créa un profond malaise au sein de l’institution militaire et porta un groupuscule d’officiers à ourdir, en novembre 1937, une conspiration contre le président Sténio Vincent. Cette initiative tourna mal. Les leaders ont été arrêtés, emprisonnés, exilés et fusillés. La honteuse politique d’abdication du gouvernement révolta leur conscience. L’image du Premier mandataire de la nation déjà rongée subit alors un grand coup. Aux yeux des officiers nationalistes, Vincent apparait comme un apatride qui a sacrifié pour quelques sous l’héroïsme de son peuple. De nombreux auteurs dont Julio Jean Pierre Audain [11] le présente comme un président (…) minable accroché aux espèces sonnantes de Trujillo tandis que Leslie Péan voit en lui l’incarnation du mal haïtien.

Selon Suzy Castor [12] , le massacre de 1937 marquait d’un sceau officiel une situation qui existait depuis déjà plus de deux décennies : l’évidente prépondérance dominicaine dans l’île du point de vue économique et politique. Il demeure l’un des moments les plus tragiques de l’histoire nationale.

Plusieurs facteurs concourent à l’explication de ce génocide dont le ressentiment des Dominicains à l’endroit des Haïtiens qui se nourrit au cours de l’évolution historique des deux peuples et le problème récurrent du tracé de la frontière entre les deux pays. Cette tragédie montre les faiblesses de l’administration de Vincent qui n’a pas su défendre l’intérêt national et la dignité du peuple haïtien. Aujourd’hui encore, envahie par des corrompus et des incompétents, la mission diplomatique haïtienne en terre voisine reste les bras croisés devant les affronts de Luis Abinader. C’est un constate amère de voir la diplomatie nationale passer du premier au dernier étage, une diplomatie - qui a connu ses lettres de noblesse avec Anténor Firmin, Dantès Bellegarde, Émile St Lot etc. -capitule aujourd’hui devant l’insignifiante nation dominicaine sans référence historiques, culturelle et intellectuelle sinon Juan Bosch [13] et Leonel Fernandez [14] , les deux plus grands noms de l’intelligentsia du pays.

Bleck Dieuseul Desroses

[1] Jean Price Mars, La République d'Haïti et la République dominicaine , tome II, p37

[3] Jean Price Mars, La République d'Haïti et la République dominicaine, tome II, op. cit.,p378

[4] Florian Louis , Les grands théoriciens de la géopolitique Broché, PUF, 2014

[5] Marc Ferro, Le ressentiment dans l’histoire, éd   Odile Jacob , 2007,

[6] L ' extrémisme   est la tendance à adopter une attitude, une  opinion  extrême, radicale, exagérée , poussée jusqu'à ses limites ou à ses conséquences extrêmes. Ces opinions extrêmes peuvent servir de fondements théoriques qui prônent le recours à des  moyens extrêmes , contraires à l' intérêt général , voire  agressifs ou violents.

[7] https://identitescaraibes.org/2020/06/08/le-massacre-du-persil-doctobre-1937-la-manifestation-etatique-de-lanti-haitianisme/

[8] https://gilbertmervilus.medium.com  › la-parenté-Haïti...

[9] https://www.lecourrierdelanation.com  › 2019/10/07

[10] https://books.openedition.org/pum/15184?lang=fr

[11] En comptant le classique de Julio Jean Pierre Audain,  Les Ombres d’une Politique Néfaste , Mexico, 1976.

[12] Suzy Castor, Le massacre de 1937 et les relations haïtiano-dominicaines, C3 Éditions, 2018, collection Bohio.

[13] Homme politique de rayonnement international et écrivain dominicain. Il est l’auteur de la crise de la démocratie en Amérique latine , ouvrage paru en 1966.

[14] Homme politique de rayonnement international et écrivain dominicain. Professeur de droit constitutionnel et président à trois reprises, il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Le crime de l’opinion publique qui est sa thèse de doctorat. Il est actuellement le Dominicain le plus respecté dans le monde.

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50yèm anivèsè masak ayisyen 1937 la nan Dominikani

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  • 50ème anniversaire du massacre des Haïtiens en République Dominicaine
  • 50th Anniversary of 1937 massacre of Haitians in the Dominican Republic
  • Cinquantième anniversaire du massacre des Haïtiens en République dominicaine
  • François, Damien
  • Joseph, Foblas
  • Pierre-Paul, Liliane

50yèm anivèsè masak ayisyen 1937 lan nan Dominikani («el corte»), lè prezidan dominiken Rafael Leónidas Trujillo bay lòd pou yo touye tout ayisyen ki te sou fwontyè Ayiti-Dominikani a. Foblas Joseph ak Damien François ki se responsab Sant Bon Samariten pale nan yon konferans pou laprès sou istwa masak la avèk sitiyasyon aktyèl ayisyen kap viv nan Dominikani, pa rapò ak travay, dwa moun, etc.

The fiftieth anniversary of the 1937 massacre of Haitians in the Dominican Republic (the "Parsley massacre") in which Dominican president Rafael Leónidas Trujillo ordered the killing of Haitian people along the Haiti-Dominican border. Foblas Joseph and Damien François of the Centre Bon Samaritain speak at a press conference about the history of the massacre and the present labor and human rights situation of Haitian migrants in the Dominican Republic.

Cinquantième anniversaire du massacre de 1937 (« le massacre du Persil ») lors duquel le président dominicain, Rafael Leònidas Trujillo, donna l'ordre de tuer les Haïtiens le long de la frontière Haïtiano-Dominicaine. Au cours d'une conférence de presse, Foblas Joseph et Damien François, les dirigeants du centre Bon Samaritain, parlent de l'histoire du massacre et de la situation actuelle des Haïtiens qui vivent en République Dominicaine, notamment en termes de travail et de droits de l'homme.

  • Public Speech, Lecture, or Sermon
  • 1937 massacre of Haitians in the Dominican Republic
  • Masak ayisyen 1937 lan nan Dominikani
  • Massacre des haïtiens de 1937 en République dominicaine
  • Antihaitianismo
  • Braceros and migrant workers
  • Bwasero ak travayè migran
  • Braceros et travailleurs migrants
  • Devoir de mémoire
  • Devwa memwa
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  • Relasyon ant Ayiti ak Repiblik Dominiken
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Un point d’histoire d’Haïti revisité : le massacre des Haïtiens en République Dominicaine en 1937

  • 31 mars 2022

Par Jérôme Paul Eddy Lacoste

Spécial pour AlterPresse

Le Centre Challenge , sous la direction du Professeur Watson Denis, vient de procéder à la publication d’un ouvrage de grande portée académique et scientifique qui a retenu notre attention. Le livre s’intitule Terreurs de frontière, le massacre des Haïtiens en République dominicaine en 1937 . Il s’agit en fait du fruit de plusieurs décennies de recherches menées sur le terrain, sur la Frontière de la terreur , à partir de la méthodologie de l’histoire orale par deux historiens américains : la Docteure Lauren Derby de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) et le Docteur Richard Turits, du College of William and Mary de Virginie. Le corpus textuel de l’ouvrage a été traduit de l’Anglais par Hélène Cardona, Elise Finielz, Lernik Hovsepyan et Nicole Dufresne. D’autres textes de l’ouvrage ont été traduits de l’Espagnol au Français et révisés par le Professeur Ethson Otilien et le Dr. Watson Denis. Il est à noter que l’édition de l’ensemble a été établie par le Professeur Denis avec une introduction, des notes explicatives et des références bibliographiques fort judicieuses sur la question. Nous y reviendrons.

En lisant et en relisant cet ouvrage d’une forte densité, 306 pages de texte avec des notes touffues, des références bibliographiques sérieuses pour ceux et celles qui veulent approfondir la question, des retranscriptions d’entretiens avec les survivants du massacre et un index nominum structuré et consistant, nous ne pouvons nous empêcher d’avoir à l’esprit la phrase du Professeur Leslie F. Manigat en 1954, «  Du nouveau chez Clio  [ 1 ]  », en commentant la parution de l’ouvrage du Dr. Jean-Price Mars : Haïti et la République dominicaine : éléments divers d’un problème d’Histoire, de Géographie et de d’Ethnologie . Oui, il s’agit du nouveau, chez nous en Haïti, plus précisément dans le champ d’étude des relations haïtiano-dominicaines. Et du nouveau aussi concernant l’invocation d’un moment tragique de l’évolution de ces relations : le massacre de 1937. Cet évènement malheureux, s’il a fait couler du sang, beaucoup de sang, n’a pas fait encore couler assez d’encre du côté haïtien. Et, comme le souligne le Professeur Watson Denis, ce point d’histoire n’avait pas assez interpellé l’historiographie haïtienne en dépit des travaux du Dr. Jean-Price Mars  [ 2 ] , d’Arthur de Mattéis  [ 3 ] et de Suzy Castor  [ 4 ] . Ainsi, après les vives et patriotiques protestations de divers secteurs de la vie nationale contre le Président Sténio Vincent pour sa gestion de l’évènement, l’on semblait s’acheminer calmement, lentement, mais sûrement vers un certain oubli, pour ne pas dire tout simplement un oubli certain. Ce, dans le souci constant et manifeste des dirigeants haïtiens des tendances politiques les plus diverses de vouloir cultiver, coûte que coûte, des «  relations harmonieuses  » avec les dirigeants de la République voisine. Volontaire et instrumentalisé subtilement par les raisons insoupçonnables et parfois «  irraisonnées  » de la Raison d’Etat, ce désir d’oubli, cette démarche visant «  yon kase fèy kouvri sa  » comme on dit couramment dans notre savoureux créole, n’en est pas moins à l’œuvre et participe d’un sérieux problème de mémoire chez nous trouvant sa plus grande et concrète manifestation dans l’enseignement de l’Histoire au niveau du secondaire et surtout à l’Université. Ici, nous touchons du doigt un problème académique structurel et qui ne sera pas résolu de sitôt. Nous en avons fait personnellement l’expérience en interrogeant nombre de nos étudiants en scolarité de licence en Sciences humaines et sociales sur cet évènement et d’autres aspects de notre histoire contemporaine. Résultats : ignorance totale. Et, dans le meilleur des cas, des réponses reprenant des clichés ou des données fragmentaires et imprécises. Ainsi, à côté de l’adoption d’une stratégie globale et nationale de l’enseignement sérieux de l’Histoire dans tous les programmes des Facultés des Universités publiques et privées du pays, l’ouvrage que nous présente aujourd’hui le Professeur Watson Denis vient à point nommé en revisitant un point d’histoire insuffisamment exploré par nos chercheurs et méconnu par notre jeunesse scolaire et universitaire. Il s’articule autour des sources documentaires sérieuses compulsées dans les archives de plusieurs pays et des enquêtes menées sur le terrain auprès des survivants du massacre au début des années 1980. A ce niveau les possibilités de l’histoire orale à la fois comme méthodologie et techniques d’investigation ont été mises en évidence.

L’histoire d’une « histoire » : celle de l’ouvrage

dissertation sur le massacre de 1937

Le livre débute avec une fort instructive présentation du Dr. Watson Denis précisant le contexte du massacre de 1937 et celui, non moins pertinent d’élaboration de l’ouvrage, fruit d’un processus de recherches. En effet, au cours de l’année 2017, le Centre Challenge avait organisé un ensemble d’activités pour marquer le 80ème anniversaire du massacre de 1937. L’ouvrage de l’historienne Suzy Castor sur ce massacre a été réédité aux Editions C3. Un colloque a été tenu par le Centre Challenge à l’auditorium de la Faculté de Médecine les 11 et 12 octobre 2017 avec la participation de divers spécialistes sur la question. Ces activités de commémoration ont donné au Professeur Watson Denis l’opportunité, en revisitant la bibliographie internationale sur la question du massacre de revoir les travaux des Professeurs Lauren Derby et Richard Turits qui avaient effectué des recherches de terrain sur la question et publié leurs résultats dans de nombreuses revues scientifiques de langue anglaise.

Dans sa présentation de l’ouvrage, le Professeur Watson Denis est clair : « rien ne peut justifier le massacre des Haïtiens commis par le régime de Trujillo en 1937 ». Néanmoins, l’Histoire comme discipline scientifique académique a la responsabilité de comprendre et de chercher à expliquer. D’où le retour sur cette tranche d’histoire avec l’apport des chercheurs précités. En effet, pour M. Denis, « le massacre des Haïtiens en République dominicaine en 1937 a été réalisé avec un objectif politique très clair : contrôler (politiquement et militairement parlant) la frontière haïtiano-dominicaine pour en faire une référence dominicaine ». Ce, pour le type de nation dominicaine que le dictateur, avec le support d’une frange de l’intellectualité et de la bourgeoisie naissante, voulait constituer. Il fallait alors éliminer « cette communauté fortement intégrée » constituée de Dominicains et d’Haïtiens, tous descendants d’Africains et qui vivaient en toute intelligence dans la zone de la frontière septentrionale entre les deux États. De cet objectif stratégique, il en est découlé la mort tragique par arme blanche, la souffrance, la désolation et des stigmates irréparables pour des dizaines de milliers de compatriotes haïtiens ou de Dominicains d’ascendance haïtienne. Bref, un génocide. Au cours du massacre, les victimes ont été dépouillées de leurs biens meubles et immeubles qu’ils avaient constitués depuis plusieurs générations par le fruit de leur travail et leur esprit d’entreprise. La thèse de M. Arthur de Mattéis de considérer le massacre des Haïtiens de 1937 comme « une succession immobilière internationale », thèse retenue d’ailleurs par le Professeur Watson Denis dans sa revue de littérature, trouve ici toute sa pertinence. Mais, ce massacre visait plus et, par leurs recherches dans les archives, leurs analyses des entretiens réalisés sur les lieux mêmes du génocide, et leurs démonstrations, les Professeurs Derby et Turits lèvent le voile sur les tenants et aboutissants de ce point tragique de l’histoire des deux peuples.

Aux sources d’un génocide programmé

dissertation sur le massacre de 1937

Dans une préface fort documentée à partir des sources d’archives faisant autorité en la matière, les auteurs Lauren Derby et Richard Turits exposent une évolution de l’histoire des relations haïtiano-dominicaines depuis la période coloniale. Ils ont noté la «  forte intégration  » entre les Haïtiens et les Dominicains pendant toute la période précédant le massacre. Ces auteurs ont montré comment cette forte intégration était le fruit, voir même le « résultat d’expériences historiques partagées ». En effet, pour les auteurs, « les Haïtiens, aussi bien que les Dominicains, étaient, pour la majorité, des descendants des Africains maintenus en esclavage et qui avaient conquis leur propre liberté à l’encontre de la volonté et du pouvoir de leurs propriétaires ». Ce processus de «  forte intégration  » s’est poursuivi durant tout le XIXème et les débuts du XXème siècle créant, au fil des générations, sur la zone de la frontière non encore délimitée par des Traités, des bornes et limites géographiques, une communauté vivant de l’agriculture de subsistance paysanne, de l’élevage, de la chasse et du petit commerce de produis viviers et du bétail. L’occupation américaine des deux côtés de l’Ile de 1915 à 1934 en Haïti, en République dominicaine de 1916 à 1924, allait modifier considérablement les données du problème. Désormais, il fallait mettre l’accent sur les grandes plantations produisant le sucre, les agrumes, le sisal avec un contrôle total des frontières et des populations. Il fallait en finir avec cette « communauté paysanne » à la « culture hybride » évoluant pratiquement en dehors et parfois contre le contrôle des États. Bref, il fallait rétablir « l’ordre ». Le premier tracé de la frontière fut effectué en 1929 en pleine occupation américaine d’Haïti par les Présidents Louis Borno et Horacio Vaquez. Il sera révisé en 1936 entre les Présidents Vincent et Trujillo. Des armées furent reconstituées des deux côtés de l’Ile et formées dans l’idéologie de contrôle de territoire. Dans ce contexte, M. Rafael Léonidas Trujillo y Molina, d’ascendance haïtienne par sa grand-mère Luisa Erciná Chevalier, comme c’est mentionné dans l’ouvrage  [ 5 ] , accéda au pouvoir avec le fort appui des intellectuels nationalistes et antihaïtiens comme Manuel Battle et Joachim Balaguer. Une idéologie officielle raciste, anti-haïtienne, commençait à se mettre en place alors, dès l’école, en terre dominicaine. Au sein de ce corpus idéologique impliquant une révision, voire une réécriture même de l’histoire dominicaine, la question de la frontière et de son contrôle occupait une place de choix. Pour les auteurs, en effet, « la frontière poreuse entre Haïti et la République dominicaine et sa société transnationale constituaient un problème et un défi clairs pour le nouveau régime [celui de Trujillo], alors qu’il cherchait à ramener les régions rurales dans le champ de la vision de l’Etat central et de les soumettre à son autorité, à sa surveillance et à son contrôle effectif ». A partir de là, l’acte de perpétuation du massacre dépendait seulement des circonstances et des opportunités. Ce que les dirigeants haïtiens, en acceptant par le biais du Président Sténio Vincent, le traité de 1936 de révision du tracé de la frontière, ne manquèrent pas de fournir au dictateur Trujillo.

Structuration de l’ouvrage : du peuple des terres-mêlées à l’opération Kout Kouto

dissertation sur le massacre de 1937

L’ouvrage comporte deux parties elles-mêmes divisées en chapitres touchant chacun un aspect spécifique de la problématique du massacre. La première partie, en s’inspirant du titre du roman de René Philoctète, s’intitule «  Le peuple des terres mêlées à la frontière haïtiano-dominicaine et le massacre des Haïtiens en République dominicaine en 1937  ». Elle regroupe un ensemble de trois chapitres présentant d’une part les aspects historiques de la question avec les sources d’archives et les bibliographies les plus pertinentes et les plus récentes sur la question et, d’autre part, des extraits d’entretiens réalisés par les auteurs. Des hypothèses sont formulées pour essayer de saisir les causes profondes du massacre par rapport au contexte spécifique des années 1930 ou fleurissaient sur le théâtre européen les théories les plus racistes et les plus violentes sur la « hiérarchie des races », théories qui devraient conduire au fascisme et nazisme avec les désastres que l’on sait. Ainsi, dans le premier chapitre ayant pour titre : «  un monde détruit, une nation qui s’impose  », Richard Turits présente un récit du massacre, « de ce que les Dominicains désignent encore fréquemment aujourd’hui comme el corte (« l’abattage ») et que les Haïtiens nomment Kout Kouto (« Kout Kouto »). L’auteur note que des « Haïtiens furent massacrés alors même qu’ils tentaient de fuir en Haïti, en traversant la rivière qui sépare les deux nations et qui porte le nom fatidique de rivière massacre ». Des chiffres furent avancés. Selon le New York Times cité par l’auteur, une liste de 12. 168 personnes tuées, a été établie par des prêtres de la région et des fonctionnaires locaux en Haïti. M. Joachim Balaguer, futur Président de la République voisine parlera lui de 17. 000 victimes. Selon l’auteur, « la plupart des 20.000 à 50.000 Haïtiens résidant dans la province de Monte-Cristi, selon les estimations, avaient été tués ou avaient fui en Haïti ». M. Turits présente également l’histoire de la zone frontalière, ainsi que les avatars d’un tracé aléatoire s’imposant brusquement en 1936 à une communauté d’Haïtiens et de Dominicains vivant depuis des générations en bonne intelligence. Selon Richards Turits, l’analyse des « histoires orales montrent que les personnes d’origine haïtienne et celles d’origine dominicaine se mélangeaient facilement et formaient des familles ». Bref, un monde formé de petits agriculteurs, pratiquant l’élevage et vivant une certaine aisance au sein d’une économie paysanne. Selon l’auteur, les personnes d’origine haïtiennes n’occupaient pas une place inférieure dans l’économie et les sociétés rurales de la région frontalière en République dominicaine ». De plus, « la religion, la musique, et le dialecte populaire dominicains, tout cela présentait des traits caractéristiques qui les reliaient à l’Afrique et aux pratiques afro-haïtiennes ». C’est ce monde que les élites racistes dominicaines allaient essayer de détruire en vue de contrôler militairement toute la zone de la frontière et de l’intégrer à leur espace et projet national dans le cadre de l’intégration de ce pays au modèle nord-américain des grandes plantations capitalistes. Pour l’auteur, « l’intérêt de l’Etat dominicain de renforcer et de sécuriser le contrôle à la frontière convergea avec les préjugés de l’élite pour donner naissance aux efforts gouvernementaux de « colonisation » agricole dans cette région. A partir de cet arrière plan historique, géographique et géostratégique, l’élimination pure et simple de la présence de ces communautés d’Haïtiens ou de Dominicains alliés aux Haïtiens par des liens de sang, d’amitié, de famille, de travail et de commerce allait être prise de sang froid. L’histoire de cette «  Terreur de frontière  » est alors contée avec des détails qui font frémir le lecteur à partir de témoignages de survivants du massacre recueillis par l’auteur sur le terrain même de l’opération Kout Kouto . Il en est de même de la gestion du massacre par les autorités politiques haïtiennes. Et là, le lecteur haïtien que je suis éprouve ce sentiment de révolte dont parle le Professeur Watson Denis dans la présentation de l’ouvrage. C’est la capitulation totale du Président haïtien Sténio Vincent aux objectifs de M. Trujillo. Ainsi, sur un monde détruit avec violence, une idéologie raciste, se voulant « anti-haïtien » et « nationaliste » allait s’imposer et procéder à une réécriture de l’histoire officielle dominicaine qui, depuis, est enseignée dans les écoles de ce pays. Ici, la citation d’Ernest Renan mis par l’auteur Richard Turits en exergue de ce chapitre trouve toute sa profonde signification.

Dans le second chapitre intitulé «  Les Haïtiens, la magie et l’argent  » la Professeure Lauren Derby étudie « les représentations officielles et populaires des Haïtiens, du massacre et de la nation en République dominicaine ainsi qu’au contexte historique des relations haïtiano-dominicaines et aux questions d’hégémonie et de violence sous le régime de Trujillo ». Il s’agit alors « d’examiner l’identité haïtienne dans l’imaginaire populaire dominicain avant le massacre de 1937 et d’analyser dans quelle mesure « la transformation d’une ligne frontalière en une frontière rigide dans la première décennie du XXème siècle changea la signification des termes raza ou race dans les usages locaux ». Ce, dans un contexte global ou la République dominicaine intégrait l’économie mondiale. L’auteure traite alors de notions conceptuelles de grande pertinence. De solides repères historiques et géographiques sont donnés sur l’évolution de la frontière depuis l’époque coloniale jusqu’en 1936, année précédant le massacre et l’évolution subséquente des relations haïtiano-dominicaines dans cet espace « liminal ». Cet espace est étudié en un triptyque : Histoire, Economie et Société. Des faits historiques sont rapportés. L’auteur note alors que les représentations que se font les Dominicains des Haïtiens avant le massacre de 1937 n’étaient point négatives. « Les Dominicains de la frontière ne possédaient pas un ensemble univoque de préjugés ou de stéréotypes négatifs contre les Haïtiens et Haïti. La plupart des Dominicains habitant la frontière se rendaient en Haïti fréquemment […] et considéraient les villes haïtiennes de la frontière plus riches que leurs villes sœurs dominicaines ». De plus, les Haïtiens étaient alors associés à l’argent dans l’imaginaire des Dominicains. Les Haïtiens étaient généralement des commerçants, des agriculteurs moyens. Ils étaient considérés comme détenant des pouvoirs surnaturels et magiques que confèrent les pratiques et rituels du vaudou. Selon la Professeure Derby, « des Dominicains participaient aux rituels du vaudou et avaient fréquemment recours aux prêtres vodous pour leurs pouvoirs curatifs, leurs amulettes et leurs bénédictions ». Enfin, selon l’auteure, « la magie haïtienne était particulièrement révérée [par les Dominicains] pour les pouvoirs procréateurs et protecteurs et sa capacité à régénérer la vie ». Des conceptions qui n’ont pas substantiellement changé dans l’imaginaire dominicain, après plus de quatre-vingt années.

Au troisième chapitre, les auteurs, toujours avec la méthodologie de l’histoire orale essaient de répondre à la question centrale, à savoir : « comment la violence peut-elle transformer les opinions que l’on a d’un peuple » ? En d’autres termes, « comment, dans la mémoire officiellement promulguée comme dans la mémoire populaire, l’anti-haitianisme est devenu un élément indiscutable et comment cet anti-haitianisme était à la base d’un nouveau sens et d’identité en République dominicaine » ? A ces questions, tout en contant les terreurs de l’histoire , ils ont proposé des réponses que nous laissons à la libre appréciation du lecteur.

La seconde partie de l’ouvrage compte quatre (4) chapitres. Elle s’intitule : Histoire orale concernant le massacre des Haïtiens (Operasyon Kout Kouto) . Cette partie se base essentiellement sur les analyses et le traitement des entrevues réalisées avec les survivants du génocide. Ainsi, « les témoignages ont été recueillis entre 1986, date de la chute du Président Jean-Claude Duvalier et septembre 1991, date du Coup d’Etat contre le Président Jean Bertrand Aristide. Les recherches ont été menées dans les localités frontalières contenant des survivants ayant échappé au massacre comme Dosmond, Grand Bassin, Mont Organisé, Terrier-Rouge, Thiotte et Savane Zombi ». Dans le chapitre IV, l’auteure Lauren Derby scrute l’imaginaire populaire des survivants au massacre. Elle analyse alors « les récits racontés par les Haïtiens à propos de vols conduits en secret par les politiciens haïtiens en complicité avec des étrangers ». De l’analyse de ces entrevues, se détache la question du mythe de la Citadelle. Les chapitres V, VI, VII constituent des récits vivants du massacre. Le matériau de base comprend alors les « récits oraux des survivants d’origine haïtienne du massacre, dans le cadre d’un effort plus vaste visant à comprendre le génocide, son contexte historique, ainsi que la manière dont une telle violence est ancrée dans l’imaginaire populaire des deux pays ». En effet, pour le Professeur Richard Turits, « les extraits d’interviews […] donnent un aperçu des souvenirs de ceux qui ont assisté au drame et survécu au génocide. Ils constituent la description d’une fenêtre qui s’est brusquement arrêtée le 2 octobre 1937 ». Les chapitres VI et VII ont une inestimable valeur documentaire en termes de restitution de la mémoire. Il s’agit de la transcription, expressis verbis , des entretiens réalisés à Dosmond, Ouanaminthe, avec les personnalités comme Isil Nicolas Cour et Irelia Pierre. Encore une fois, nous laissons la balle dans le camp du lecteur.

Au niveau des aspects formels de l’ouvrage, nous avons un travail bien fait. La première de couverture nous présente un tableau du peintre Didier William : Perejil, Perejil, Perejil , réalisé en 2015. Ensuite, nous avons en deuxième, troisième et quatrième de couverture des informations pertinentes sur les auteurs et un résumé informatif du contenu de l’ouvrage. Une Table des matières bien structurée avec des parties, des chapitres, des sous chapitres et un index nominum consistant guident le lecteur de façon efficace. L’iconographie est de qualité avec la reproduction en couleur du tableau du peintre Didier William, des photographies des auteurs, ainsi que la présentation des cartes géographiques et des photos historiques du massacre à l’intérieur du texte. Les traductions sont également de très bonne qualité et le texte, quoique de grande teneur académique, se laisse lire par la clarté et la simplicité même du style des auteurs. Les références bibliographiques sont très bien données et les auteurs Lauren Derby et Richard Turits nous gratifient de notes explicatives vraiment instructives, tant sur la méthodologie de la recherche que sur des informations pertinentes se rapportant au massacre lui-même.

Enfin, nous devons retenir le travail de l’éditeur lui-même, le Professeur Watson Denis. C’est déjà une tâche louable d’avoir pu mettre les résultats de cette recherche à la disposition du public haïtien et de la jeunesse universitaire en particulier. Désormais, sans omettre la portée et l’importance des travaux antérieurs, un ouvrage de référence est disponible dans les bibliothèques haïtiennes sur le massacre des Haïtiens en République dominicaine en 1937. C’est déjà beaucoup. Mais il y a mieux. L’ouvrage des Professeurs Lauren Derby et de Richard Turits est d’une « Présentation et Edition établie par Watson Denis ». Dans la tradition des grandes maisons d’édition, il est une pratique bien ancrée de confier à un spécialiste la présentation et les commentaires des travaux et textes d’auteurs faisant autorité dans leurs champs de compétence, ou tout au plus des auteurs dits classiques. La présentation du livre Le Prince de Nicolas Machiavel par Raymond Aron  [ 6 ] a fait autorité. Il en est de même de l’ouvrage Sociologie des religions de Max Weber avec des textes réunis, traduits et présentés par Jean-Pierre Grossein pour les Editions Gallimard en 1996  [ 7 ] . L’établissement de l’édition et la présentation d’un ouvrage de recherche suppose une bonne connaissance de la matière et des capacités particulières d’analyse, de synthèse, de rédaction et la bonne connaissance de la bibliographie pertinente sur la question. Tout un ensemble de capacités dont a fait montre le Professeur Watson Denis dans son travail de présentation et de commentaires. Sous ce rapport, il est à noter la valeur des notes explicatives et des références bibliographiques fournies par le Professeur sur la question. Ainsi, sur la méthodologie de l’histoire orale, le lecteur trouvera des références d’une grande pertinence lui permettant d’approfondir ses propres connaissances en la matière. De plus, ces références bibliographiques prouvent en fait deux choses intéressant le documentaliste que nous sommes : d’une part, la production intellectuelle est immense sur le massacre des Haïtiens en République dominicaine en 1937 dans les centres de recherche et revues étrangères. D’autre part, cette production est faible, très faible en Haïti même. La question n’est pas assez travaillée chez nous par les chercheurs haïtiens. C’est l’occasion de lancer, encore une fois, un appel en vue de la mise en place de cadres institutionnels pour la recherche historique au niveau des universités et sociétés savantes en Haïti. La recherche coûte cher, très cher. On le sait. Mais les sponsors, tant haïtiens qu’étrangers existent. Il faut les rechercher et établir des rapports de sérieux partenariats avec eux.

L’histoire orale comme méthodologie et comme art d’écrire l’histoire

Les questions de méthode d’investigation en vue d’écrire l’histoire sont déterminantes dans l’évolution de cette discipline académique comme elles le sont d’ailleurs dans toute la grande famille des sciences humaines. Comment effectuer la recherche en Histoire ? Comment présenter les résultats de la recherche ? Comment accéder aux sources documentaires et traiter les documents ? Autant de questions qui se sont posées et qui ont trouvé des réponses tantôt différentes, tantôt convergentes tout au cours du processus de constitution de l’Histoire comme discipline académique autonome. Hérodote, considéré comme le père de la discipline historique à cause de ses Historia (Enquêtes, Récits) a été le premier à utiliser des sources orales, en allant sur le terrain, dans les pays les plus lointains et parmi les peuples les plus divers. De lui, nous avons la tradition descriptive et évènementielle de l’histoire avec la description des peuples, de leur histoire et de leurs coutumes. Avec Thucydide, c’est l’histoire analytique. Dans son classique ouvrage Histoire de la guerre du Péloponnèse , Thucydide analyse les causes de la guerre, les motivations des acteurs, les techniques et stratégies des parties en cause. S’il avait compulsé des archives et documents officiels, il avait aussi interrogé des témoins et des survivants. Ainsi, dans les deux cas, le recours aux sources orales était présent. Chez les premiers historiens romains, Suétone, Tacite et Tite-Live, les sources documentaires officielles tendaient à prédominer. Ensuite, il y a eu les chroniques et hagiographies du Moyen-âge, les récits de vie des personnages célèbres, des princes, des rois, des généraux où il était parfois difficile de séparer le vrai du merveilleux. Au XVIIIème siècle, Voltaire, en écrivant son ouvrage Le siècle de Louis XIV , avait marqué un tournant dans l’évolution de la science historique avec la consultation des sources documentaires disponibles et surtout le traitement des documents dans un souci d’objectivité. Les historiens comme Jules Michelet, Adolphe Thiers, Hyppolite Taine ont contribué au XIXème siècle à l’avènement en France d’une histoire privilégiant l’utilisation des archives et des sources institutionnelles. Dans la montée du positivisme triomphant au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, Charles Seignobos lancera le mouvement de l’histoire méthodique . Mais le tournant le plus durable a été la constitution de l’Ecole des Annales sous l’impulsion des auteurs Marc Bloch et Lucien Febvre. C’est alors « l’histoire totale », globale, l’histoire des idées, des institutions, des structures économiques, sociales et politiques et sur le « temps long ». L’Ecole des Annales a eu un grand succès et comportait plusieurs tendances. Elle a modifié, dans une large mesure, l’enseignement et l’écriture de l’histoire en élargissant le champ de la discipline et en structurant la recherche dans les archives sans pour autant écarter les sources orales. Entretemps, dans la décennie des années 1960, suite aux travaux de Mariatégui en Amérique Latine et de Cheik Anta Diop en Afrique francophone, il y a eu tout un début de questionnement des modes de production et de diffusion du savoir en général et dans les sciences humaines en particulier. En histoire, il se posait dans de nombreux pays du Sud la question de l’organisation et, dans certains cas, de l’existence même des archives publiques. Pourtant dans toutes ces sociétés, il y a des témoins, des survivants d’évènements historiques de grande ampleur. L’histoire orale, dans une démarche pluridisciplinaire alliant Histoire, Anthropologie, Ethnographie et Linguistique allait se constituer avec ses propres méthodes et techniques de traitement des entretiens et de l’art d’écrire l’histoire. Tout un nouveau champ paradigmatique allait se constituer en Histoire, surtout dans les universités anglo-saxonnes ayant une longue pratique de la question avec des centres de recherche spécialisés sur l’histoire orale. En Amérique latine, on parlait de «  systématisation d’expériences  » suite aux travaux d’Oscar H. Jara. dans les sciences humaines. Le chercheur est alors un facilitateur aidant les personnes et les communautés à s’exprimer, à découvrir, réévaluer et récupérer leur propre histoire  [ 8 ] .

En Haïti, l’un des premiers historiens haïtiens, Thomas Madiou avait abondamment utilisé les sources orales dans les premier et second tomes de son Histoire d’Haïti . Madiou l’avait mentionné lui-même dans ses propos introductifs. En effet, Madiou avait eu la possibilité d’interroger les survivants de la guerre de l’Indépendance ainsi que des témoins et acteurs clés des gouvernements de Pétion et de Boyer. Mais le fait d’utiliser les sources orales équivaut-il pour autant à faire de l’histoire orale ? Non. La méthodologie de l’histoire orale implique davantage. Il faut l’identification et la localisation de la source, la relation des conditions de conduite, de réalisation et de traduction des entretiens avec les mentions de date, de lieu, des prénoms et noms interviewées en étiquetage. Il en est de même des modes de traitement. Ce n’est pas une petite affaire. En Haïti, à notre connaissance, l’historien Roger Gaillard, dans de nombreux volumes de la collection Les blancs débarquent , avait utilisé les méthodes et techniques de l’histoire orale. Dans son ouvrage Premier écrasement du cacoïsme de la même série, M. Gaillard a pu, à partir des entretiens réalisés sur le terrain avec mention de date et de personnes interviewées, présenter toute la généalogie de la famille Péralte jusqu’à la troisième génération. Il en est de même de certains épisodes de la jeunesse de François Borgia Charlemagne Péralte. Actuellement, les professeurs Jean Rénol Elie, Lewis Clorméus Ampidu, Ilionor Louis et Georges Eddy Lucien, à des niveaux divers bien entendu, utilisent dans leurs recherches les méthodes et techniques de l’histoire orale.

Qu’en est-il de la mise en œuvre de ces méthodes et techniques dans l’ouvrage des Professeurs Lauren Derby et Richard Turits sur le massacre des Haïtiens en République dominicaine en 1937 ? Disons-le clairement. C’est une réussite totale. Tout le processus méthodologique est décrit dans l’ouvrage. Ce, depuis la conception, les justifications des lieux de l’enquête, du choix des personnes interviewées, des conditions de réalisation des entretiens, de leur traduction de la langue créole à l’Espagnol, du mode de traitement, de présentation et d’interprétation des extraits de ces mêmes entretiens. Ainsi, cet ouvrage, fruit de plusieurs décennies de recherche est en quelque sorte une restitution de la mémoire des populations de la frontière septentrionale d’Haïti avec la République Dominicaine. Il constitue ainsi un appel à d’autres recherches aussi approfondies sur d’autres évènements non moins déterminants de notre vie de peuple.

En guise de conclusion

Le grand philosophe français et historien du livre Roger Chartier  [ 9 ] disait des lecteurs qu’ils sont des voyageurs et de la lecture un voyage vers l’inconnu. La lecture, suivant les spécificités de la thématique, peut prendre les contours de la spirale de Frankétienne. Ainsi, si voyage il y a, l’on peut toujours revenir aux mêmes positionnements, avec néanmoins un déplacement circulaire impliquant augmentation et modification de la connaissance acquise au cours du processus. Pour Umberto Eco  [ 10 ] , l’acte de lecture propose, de par son essence, des relations particulières entre l’intention du lecteur ( intentio lectoris ), l’intention de l’auteur ( intentio auctoris ) et l’intention même de l’œuvre ( intentio operis ) par rapport au contenu lui-même en devenir. La lecture de l’histoire du massacre de 1937 pourrait s’inscrire dans cette triade. Il y a donc des lectures devant se répéter eu égard aux problèmes qu’elles mettent en œuvre et par les impacts de ces problèmes sur le cours de l’existence humaine. L’ouvrage que nous présente aujourd’hui le Professeur Watson Denis s’intègre dans ces schèmes de compréhension, d’appropriation et de transmission d’une connaissance spécifique : celle du massacre des Haïtiens en République dominicaine en 1937 avec ses tenants et ses aboutissants. Il implique un voyage dans l’Histoire, dans notre propre histoire. Ce, dans le sens de la spirale de Frankétienne, en revisitant d’autres événements non moins déterminants dans les rapports entre les deux peuples, entre les deux Etats qui se partagent l’ile avant, pendant et après le fameux «  Kout Kouto  » de 1937. L’ouvrage présenté par le Professeur Denis pose, à sa lecture, dans la perspective d’Umberto Eco, des questions de rapport entre le lecteur et la relation d’un évènement vraiment malheureux et terrible ayant des causes complexes, profondes, variées et des conséquences se faisant sentir jusqu’à nos jours. Il s’agit d’un livre demandant des lectures plurielles et répétées. Des lectures lentes, très lentes comme dirait le Dr. Jean-Price Mars, également spécialiste des relations Haïtiano-Dominicaines. Ce, pour apprendre et comprendre, comprendre et expliquer. La question de la frontière, même quand les autorités haïtiennes n’ont rien répondu, revient en force, quatre vingt cinq années plus tard, dans l’évolution des rapports entre les deux États. Est-ce que cette frontière, depuis sa très vague délimitation dans le traité de Ryswick de 1697, en passant par les avatars du XVIIIème siècle, du XIXème et du début du XXème siècle, va-t-elle toujours rester une «  frontière de la terreur  » où explosent brusquement, à chaque conjoncture de crise, «  des terreurs de la frontière  » comme celles de 1937 ? Nul ne peut le dire. Mais l’avenir est inquiétant, comme l’avait déjà souligné le Dr. Jean-Price Mars en 1954. Quatre-vingt (85) années après le massacre de 1937, la question de la frontière revient aujourd’hui sur le tapis avec l’annonce officielle, le 27 février 2021 par le Président dominicain M. Luis Rodolfo Abinader, de la décision d’édifier un mur au niveau de la frontière haïtiano-dominicaine. Pour le Professeur Watson Denis, « les Haïtiennes et Haïtiens qui liront ce livre d’histoire et de mémoire sur le massacre de 1937, même dans un esprit de détachement ou de discernement, sortiront de la lecture avec un sentiment de révolte, de consternation et d’impuissance ». J’ai personnellement terminé la lecture du livre avec ces mêmes sentiments. Cependant, en lisant les témoignages poignants d’Isil Nicolas Cour et d’Irelia Pierre, je dois avouer ici que j’ai pleuré… Comment se fait-il que nous en étions arrivés là, après plus de cent trente années d’une indépendance acquise dans les conditions héroïques que nous connaissons tous ? Qu’aurait dit un Henri Christophe après cette honte nationale, lui qui n’avait pas hésité à incendier sa propre maison de sa propre main pour déclarer symboliquement et courageusement la guerre contre l’expédition de Leclerc de 1802 venant effectuer le retour à l’esclavage ? Qu’aurait dit l’Empereur Jean-Jacques Dessalines, lui qui avait sacrifié sa propre jeunesse et sa vie entière pour la fin de l’esclavage et l’édification d’un État fort, libre et indépendant sur la terre d’Haïti ? J’ai pleuré, comme eut à le faire l’historien Roger Gaillard quand il lisait le récit du pillage de la bibliothèque personnelle de M. Anténor Firmin au Cap-Haïtien en 1902, pour se documenter en vue d’écrire son ouvrage intitulé La déroute de l’intelligence  [ 11 ] . L’ouvrage des Professeurs Lauren Derby et Philip Turits, présenté par le Dr. Watson Denis, en cette année 85ème anniversaire de cet odieux massacre, nous appelle à rentrer en nous-mêmes. Dans quelle mesure avions-nous pu constituer une nation ? Dans quelle mesure avons-nous le contrôle de notre espace géographique par le biais d’un Etat souverain et assurer, au sein même de cet espace, un minimum de sécurité et de bien-être à notre population dans la perspective de mise en place d’un vivre ensemble ? Oui, la relation des «  terreurs de la frontière  » présentées dans le cadre de l’ouvrage amène nécessairement à un questionnement, à un retour sur soi afin de mieux envisager les perspectives d’avenir. Et, c’est essentiellement la mission de l’histoire. Car, comme le Professeur Watson Denis a l’habitude de le dire, l’histoire n’est pas seulement la science du passé. C’est aussi une science du présent en vue de mieux appréhender l’avenir. L’ouvrage Terreurs de frontière, le massacre des Haïtiens en République dominicaine en 1937 des auteurs Lauren Derby et Richard Turits avec « Présentation et Edition établie par Watson Denis » le prouve bien. Cet ouvrage est maintenant disponible dans les librairies en Haïti. Il faut le lire. Et surtout le lire avec courage. C’est une exigence académique de base pour tout intellectuel. Et, pour tout Haïtien, c’est un devoir de mémoire et, surtout, un devoir citoyen.

* Bibliothécaire, Professeur à l’Université d’Etat d’Haïti (UEH)

Logo : Première de couverture de l’ouvrage des Professeurs Lauren Derby et Richard Turits présenté par le Professeur Watson Denis. Au centre de la couverture, le tableau Perejil, Perejil, Perejil du peintre Didier William.

[ 1 ]  Dans la mythologie grecque, Clio est la déesse de l’Histoire.

[ 2 ]  Jean Price Mars (1953). Haïti et la République dominicaine : éléments divers d’un problème d’Histoire, de Géographie et de d’Ethnologie. Port-au-Prince, Collection du Tri-Cinquantenaire.

[ 3 ]  Arthur de Mattéis (1987). Le massacre des Haïtiens en République dominicaine ou une succession immobilière internationale. Port-au-Prince, Bibliothèque Nationale d’Haïti.

[ 4 ]  Suzy Castor (1988). Le massacre de 1937 et les relations haïtiano-dominicaines. Port-au-Prince, CRESFED.

[ 5 ]  Page 91. Note en bas de page explicative 68. « La grand-mère maternelle de Trujillo Luisa Erciná Chevalier était haïtienne ».

[ 6 ]  Nicolas Machiavel (1962). Le Prince. Préface de Raymond Aron. Ed. Gallimard, Paris.

[ 7 ]  Max Weber (1996). Sociologie des religions. Textes réunis, traduits et présentés par Jean-Pierre Grossein. Ed. Gallimard, Paris.

[ 8 ]  Voir sous ce rapport l’ouvrage d’Oscar Jara Holliday (1997). Sistematización de experiencias. Ed. Alforja. San José. Ainsi que les travaux de cet auteur sur la question.

[ 9 ]  Roger Chartier (2001). Las revoluciones de la cultura escrita. Ed. Gedisa, Barcelona.

[ 10 ]  Umberto Eco (1992). Los límites de la interpretación. Ed. Lumen. Buenos Aires.

[ 11 ]  Roger Gaillard (1992). La République exterminatrice. La déroute de l’intelligence. Ed. Le Natal. Port-au-Prince. Cet ouvrage de l’historien Roger Gaillard relatant la défaite de M. Anténor Firmin face au Général Nord Alexis n’est plus disponible sur le marché. Il est complètement épuisé pendant qu’il est très demandé au sein de la jeunesse universitaire. Nous lançons donc un vibrant appel à la Professeure Klara-Gustie Gaillard pour sa réédition.

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Octobre 1937: Massacre des Haitiens en République Dominicaine

📅 texte publié le lundi 5 septembre 2005.

Dans les premières semaines du mois d’octobre 1937, des milliers d’Haitiens furent massacrés sur le territoire dominicain par les forces armées de ce pays avec l’aval du président Rafael Leónidas Trujillo (1930-1938; 1942-1952).

L’histoire, semble-il, est sur le point de se répéter si l’on se tient aux signes/faits précédant ce massacre. Mentionnons-en quelques-uns::

Le massacre d’octobre 1937 fut précédé par des déportations massives et sans discrimination d’Haïtiens(1). Depuis environ six ans (de 1999 à nos jours), s’opèrent des déportations d’Haïtiens en violation des droits humains les plus élémentaires.

En 1937, un certain gouverneur de la province de Montecristi, Benito Monción, donnant libre cours à ses sentiments antihaïtiens, arrêta deux haitiens vivant dans sa province, les châtrant au vu et au su de tous(2). Le 6 juin dernier, trois Haitiens ont été assassinés à l’arme blanche et trois autres blessés dans la communauté de Hatillo Palma (province de Montecristi), et le 16 août dernier à Santo Domingo, trois jeunes compatriotes ont été sévèrement battus et brûlés vifs. Ils succombèrent quelques 10 jours après.

Haïti venait à peine de sortir d’une occupation qui a duré 19 ans avec une armée jeune; aujourd’hui, le pays est occupé et l’armée d’Haiti inexistante.

Le massacre avait été soigneusement planifié et une stratégie de défense du gouvernement dominicain, dans l’éventualité d’une réaction internationale, avait même été élaborée(3). Le gouvernement haïtien réagit avec une faiblesse frôlant l’indifférence. Le président Sténio Vincent, un allié de Trujillo, sous la pression des membres de son propre gouvernement, sollicita les bon offices de Cuba, du Mexique et des Etats-Unis qui mirent sur pied une commission de réconciliation. Sans investigation sur le terrain, cette commission demanda simplement à Trujillo de payer une idemnisation de 750.000 dollars aux parents des victimes (4).

Et Le caudillo reçut du congrès dominicain un vote de confiance pour son leadership dans les événements de la zone frontalière(5).

  • Vega, Bernardo. Trujillo y Haití vol. I (1930-1937). Santo Domingo, República Dominicana : Fundación Cultural Dominicana, 1988; pp. 304-309.
  • Documentos del conflicto domínico-haitiano de 1937 recopilación y notas, José Israel Cuello H. Santo Domingo, D.N., República Dominicana : Editora Taller, 1985; p. 10.
  • García Aquino, Miguel. Holocausto en El Caribe : perfiles de una tiranía sin precedentes : la matanza de haitianos por Trujillo. Santo Domingo, R.D. : Editora Corripio, 1995; p. 115-117.
  • Settlement of the Dominican-Haitian controversy … Washington, D.C., Pan American union.
  • Listin Diario , 17 dec. 1937 p. 1.

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Terreurs de frontière: Le massacre des Haïtiens en République Dominicaine en 1937

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Revue de sociolinguistique

Accueil Numéros 80 Schibboleth, la langue comme arme...

Schibboleth, la langue comme arme de détection massive : 1937, le massacre des Haïtiens

En 1937, plus de 30 000 Haïtiens et Dominicains d’ascendance haïtienne furent massacrés en quelques jours par l’armée et les forces de police dominicaines sous la présidence de Rafael Leónidas Trujillo Molina. Ce génocide aux couleurs de nettoyage ethnique reste encore peu connu dans l’histoire mondiale moderne. Il reste marqué du sceau de la langue et de son utilisation comme un outil de détection de l’origine des locuteurs. En effet, la langue espagnole fut utilisée à travers l’emploi du mot « perejil » (persil) pour identifier les individus incapables de prononcer « correctement » ce terme. Face à l’hésitation ou à l’échec de la production nette d’un /r/ (« r » roulé) suivi d’un /x/ (jota), c’était la mort souvent à coup de machette ou de couteau. La notion de schibboleth permet de mettre au jour cet usage criminel de la langue. Nous l’examinerons après une mise en contexte du cadre socio-historique des événements, ce qui sera suivi par la mise en perspective des dimensions phonologiques et pragmatiques de l’emploi d’un tel terme à des fins meurtrières.

In 1937, more than 30,000 Haitians and Dominicans of Haitian descent were massacred in a few days by the army and the Dominican police forces under the presidency of Rafael Leónidas Trujillo Molina. This genocide remains little known in modern world history. It remains marked with the seal of the language and its use as a tool to detect the origin of the speakers. Indeed, the Spanish language was used through the specific word "perejil" (parsley) to identify individuals unable to pronounce "correctly" this term. If any hesitation or failure to production a proper /r/ ("r" rolled) followed by a /x/ (jota), it was death with a machete or a knife for most of the time. The notion of shibboleth makes it possible to discuss this criminal use of the language. We shall examine the socio-historical contextualization of these events and then put into perspective the phonological and pragmatic dimensions of such a term with deadly ends.

Entrées d’index

Mots-clés : , keywords: , texte intégral, introduction.

1 La langue est un élément clé de l’identification d’un groupe d’individus, de l’échelle la plus petite à la plus grande (Boutet 2010, Kramsch 2009, Laplantine 1998 ou Todorov 1989), qu’il s’agisse d’une communauté de quelques personnes ou d’un ensemble national, pouvant étendre ces échanges à des milliers de kilomètres grâce à une diaspora. Néanmoins, les frontières étatiques sont des points de tensions potentiels où se matérialisent nombre de réalisations : expulsions de ressortissants en situation irrégulière ou régulations du commerce (contrôles douaniers), renforçant alors un engagement identitaire (Achard 1998 notamment). De ce point de vue, la langue peut être vue comme un moyen de présentation et de représentation de soi, en plus d’être l’outil de communication qu’on lui reconnait généralement. Si la langue en tant que système est un outil communautaire d’inclusion et d’exclusion, un fait précis de langue peut jouer, lui aussi, ce même rôle, comme c’est le cas d’un schibboleth .

2 Dans cette contribution, notre analyse portera sur un cas révélateur de l’importance cruciale que la dimension linguistique peut prendre dans le cas d’un génocide (Dedaic 2003). Alors que la communication ne fait aucun doute dans la stratégie de transmission des informations entre alliés, nous nous proposons de voir plutôt comment la langue peut être un outil de détection et donc de reconnaissance du supposé ennemi. Avec l’extermination systématisée de plus de 30 000 ressortissants haïtiens ou d’origine haïtienne, la prononciation d’un terme (« persil ») a joué un rôle-clé dans cette tragédie. Ce n’est pas tant la langue qui joue ce rôle, mais un fait de langue (que nous verrons plus loin) ayant à voir avec l’espagnol, ce qui nous pousse à parler de schibboleth .

3 Dans un premier temps, nous situerons le contexte socio-historique de notre étude, c’est-à-dire l’île d’Hispaniola (partagée entre deux pays caribéens : la République d’Haïti et la République dominicaine). Nous préciserons les circonstances des événements meurtriers survenus en octobre 1937. Dans un second temps, nous introduirons la notion de schibboleth que nous appliquerons ensuite, dans le détail, au terrain prédéfini. Cette analyse se veut une contribution en sociolinguistique avec une dimension transdisciplinaire. À partir d’un cadrage emprunté aux études discursives critiques (avec l’histoire, la géopolitique, l’analyse du discours tel Wodak 2010), nous proposerons une analyse en lien avec la phonologie, dans le but de rendre compte de la portée pragmatique majeure que la langue peut avoir dans un conflit guerrier, voire un massacre.

1. De la cohabitation à la confrontation des langues et des hommes sur l’île d’Hispaniola

  • 1 Respectivement, Alexis J acques Stephen, 1955, Compère Général Soleil , Paris, Gallimard, et P hiloctè (...)

4 À travers un bref rappel historique sur le peuplement et le développement des sociétés sur l’île d’Hispaniola (d’Ans 1987 ou Wargny 2008, notamment), nous mettrons en contexte la mise en tension des influences entre les rapports coloniaux divers (principalement français d’une part et espagnols d’autre part) afin de mieux préciser l’événement historique dramatique qui est au cœur de cette étude. Alors que les archives historiques manquent et qu’un tel massacre reste encore tabou à bien des points de vue – même si des œuvres littéraires l’ont évoqué à plus ou moins grande échelle surtout depuis Farming of Bones d’Edwige Danticat (1998), dans les pas de Jacques Stephen Alexis (1955) et de René Philoctète (1989) 1 (voir Misrahi-Barak 2013) –, nous proposerons un panorama en histoire et géographie sociale pour situer le cadre d’un ancrage géolinguistique aux effets dévastateurs. Un ordre d’idées peut être donné également par Lister (2013) en rapport avec cette dynamique d’appréhension des événements entourant le massacre « ethnocidaire » de 1937, pour des littéraires caribéens.

1.1. De la cohabitation forcée par la colonisation

5 La République d’Haïti (désormais Haïti) et la République dominicaine (désormais RD) se partagent l’île d’Hispaniola. Découverte par Christophe Colomb dès 1492, cette terre située au cœur des grandes Antilles abrite désormais deux nations qui au fil du temps ont entretenu des rapports conflictuels hérités des différents empires coloniaux qui les ont façonnées (lire notamment Blancpain 2008 ou Théodat 2003). Profondément marquée par la traite esclavagiste transatlantique sur fond d’extermination des populations autochtones (Amérindiens taïnos), cette île de plus de 76 000 km 2 est désormais habitée par près de 11 millions d’Haïtiens (sur sa partie occidentale) et autant de Dominicains (sur les deux tiers de la terre de l’Est).

6 En 1804, Haïti obtient de haute lutte son indépendance face aux armées napoléoniennes (Barros 1984, Brière 2008 ou Douyon 2004, notamment). Fortes de ce succès majeur, les troupes haïtiennes étendront rapidement leur territoire afin d’unifier l’île pendant plusieurs décennies (Roupert 2011). C’est en 1844 que la République dominicaine scellera son indépendance à son tour ; mais vis-à-vis d’Haïti et non de l’Espagne. En effet, ce double fait historique d’indépendances successives ne peut à lui seul tout expliquer dans les rapports aux origines des deux États. Néanmoins, il demeure qu’Haïti s’est opposé à la France (« son » pays colonisateur) pour gagner son indépendance ; alors que la RD n’a pas obtenu, de l’Espagne, sa reconnaissance en tant qu’État souverain. Cela peut faire des deux pays partageant cette même île, des « demi-frères ennemis » si nous cherchons la comparaison filiale pour en illustrer les rapports conflictuels de relation.

  • 2 Selon la Banque Mondiale, le PIB (Produit Intérieur Brut) par habitant est de 818,3 dollars américa (...)

7 L’animosité du côté des Dominicains par rapport aux immigrés haïtiens semble se tendre particulièrement. Même si toute généralisation reste hasardeuse, il demeure qu’un rapport de domination symbolique collective s’instaure avec, en position de dominant, la RD. En plus d’inégalités économiques criantes (et par exemple, un revenu par habitant bien supérieur en RD 2 ), la question de la discrimination se focalise sur l’apparence physique et les origines ethniques ou supposées raciales.

8 Turits (2007, 62) préfère évoquer plus spécifiquement l’anti-haïtianisme plutôt que de généraliser à une quelconque forme de racisme. Ses réflexions à propos de l’anti-haïtianisme trouveront écho chez Franco Pichardo (2013). Ses travaux mettent davantage l’accent sur l’impact de la libération des esclaves d’origine africaine comme aspect fondateur de l’identité dominicaine :

L’histoire dominicaine se détache comme un cas intrigant précisément parce qu’une identité collective noire n’a pas été construite parmi les personnes d’origine africaine et parce que, jusqu’à ce jour, la société́ n’est pas divisée en communautés raciales, même si elle est marquée – encore une fois selon des modalités qui doivent être plus précisément décrites – par un continuum raciste de couleurs. (Turits 2007, 62).

9 Des origines coloniales font naître de nombreuses ressemblances, liées notamment à l’héritage africain (Moya Pons 2012), mais il se dégage aussi des différences qui s’observent notamment sur le plan linguistique (Metellus 2003). La RD ne reconnaît qu’une seule langue nationale : l’espagnol (castillan). Haïti possède deux langues officielles : le français et le créole haïtien – notons d’ailleurs qu’en 1937, seule la langue française possédait ce statut officiel (Govain 2014) –. Il y a donc bien une différence majeure dans le mode de communication avec une différence de code linguistique, même si au niveau des différents points frontaliers entre les deux pays les cas de bilinguisme existent certes, mais sont assez peu nombreux (Saint-Germain 1997).

1.2. De la confrontation jusqu’au massacre

10 Au début du mois d’octobre de l’année 1937, le président dominicain Rafael Leónidas Trujillo Molina prononça un discours très hostile envers les Haïtiens et les ressortissants d’origine haïtienne. Depuis quelques mois des quotas nationaux s’appliquaient à ces derniers, visant à limiter la proportion de travailleurs haïtiens (en particulier dans le secteur de la canne à sucre). C’est de là que le massacre prit forme le long de la frontière nord de la partie haïtienne autour de la ville de Dajabón (Roorda 1996). Une des répliques tristement célèbres du dictateur fut : « [que l’on donne] une danse en son honneur » (reprise par Roorda 1998, 131). Entre 15 000 et 40 000 personnes furent exterminées par la police et l’armée dominicaines dans des exactions qui se répandirent ensuite au-delà de la zone pendant plus d’une semaine. Mais le président dominicain, en dépit de son discours, revendiqua ne pas avoir commandité un tel massacre (Dubois 2013, 304). Même si très peu de médias reportèrent les faits, le dirigeant évita d’être explicitement incriminé alors que des voix à l’étranger commençaient à s’élever pour critiquer sa gouvernance et ses outrances.

  • 3 Pour une approche plus spécifique du côté dominicain, lire Bourgeois 2013. Pour une étude davantage (...)

11 Pour Alscher (2010, 90), Trujillo utilisa le prétexte d’un « spectre d’invasion migratoire pacifique » des Haïtiens pour regagner l’ensemble de l’île. Il fit prétendre à une révolte spontanée populaire des Dominicains. Mais une considération raciste et racialiste qui ne disait souvent pas ouvertement son nom, se cachait derrière de tels actes (voir notamment Bonniol 1992) 3 . Entre un discours populiste, qui laisse entendre le pire, et des exactions, qui ne sont pas sanctionnées, ce n’est qu’après coup, et sous couvert d’arrangements politiques, que les actes furent en façade réparés. D’ailleurs, le président haïtien de l’époque, Sténio Vincent, ne prit pas la peine d’engager des représailles ou de rapporter de telles actions auprès d’instances internationales. Dubois (2013, 305) précise même qu’un « code du silence » était partagé par les deux présidents concernant l’intégralité des massacres.

12 Une étude à part entière mériterait d’examiner la médiatisation de ces faits historiques et leurs commémorations. Nous n’aurons ici pas l’espace pour cela, mais en guise de transition vers l’étude plus sociolinguistique du massacre, retenons tout de même deux expressions pour chaque camp. Elles rendent comptent de la différence de points de vue et de perspectives face à ces faits historiques, ainsi, selon Arnold (2008, 649) : pour les Haïtiens il était question de « Vêpres Dominicaines » et pour les Dominicains, de l’« Opération Persil ». Dans un premier cas, il y a l’identification du bourreau avec sa nationalité et le qualificatif qui renvoie à un massacre historique. Dans l’autre cas, il s’agit d’un registre plus militaire dans lequel il y a naturalisation avec la référence à la plante utilisée, mais aucune référence humaine explicite. Nous rappelons qu’il n’est pas question ici d’établir un jugement ou de prendre parti, mais nous souhaitons pouvoir apporter une contribution sur le plan sociolinguistique à des recherches portant sur les conflits (dans la lignée de précédents travaux sur le même terrain, tels Richard et Hailon 2015).

2. La langue comme arme de détection du supposé ennemi

13 Dans cette seconde partie, nous traiterons de la dimension proprement sociolinguistique que la langue peut revêtir dans le cas d’un conflit guerrier. Alors que le langage dans sa performativité peut établir un acte officiel de déclaration de guerre, c’est dans une autre dimension que nous développerons notre propos. Il sera ici question de l’opérativité de la langue en tant qu’outil de détection du supposé ennemi, cet Autre qui doit être identifié afin de pouvoir accomplir l’ordre militaire pouvant mener jusqu’à son assassinat.

2.1. La notion de Schibboleth

14 Calvet (2012, 55) évoque, dans un entretien, le cas très intéressant, linguistiquement et socialement, du schibboleth . Développée à partir d’un récit mythique issu de la Bible, cette notion indique la détection d’une appartenance d’origine selon une différence de prononciation entre deux communautés (linguistiques) pour un même mot (lié à un même référent). L’exemple originel était celui du terme schibboleth justement, c’est-à-dire « épi » en français , qui, en hébreu, peut se prononcer soit avec un [s] ou un [ʃ] au début. Le fonctionnement du schibboleth repose sur un son qui est supposé être difficile à réaliser par des locuteurs extérieurs à la communauté linguistique dans laquelle la langue dont est tiré le schibboleth a cours. La détection s’opère en ce que celui qui fait passer le test, en l’occurrence qui fait répéter le mot, a une forme de réalisation phonétique de son signifiant qu’il considère comme la « norme-étalon » standard, communautaire (dans le sens socio-ethnique), de référence. Il ne s’attend à aucune approximation de la part du testé : il réalise la forme attendue, il est identifié comme des siens ; il produit une quelconque approximation, il est détecté comme étranger à sa communauté et il est puni avec la dernière rigueur.

15 Tibon-Cornillaud (2003, 56) reprend le même récit en évoquant les origines :

4 La version Bible du Semeur fait référence à ce récit dans Juges 12 : 6 : « ils lui ordonnaient de p (...) Le terme hébraïque Shibboleth qui signifie « épi », se trouve dans la Bible , livre des Juges, 5-6. Il est rapporté que sa prononciation permit aux Galaadites de reconnaître pendant la nuit leurs ennemis, les Ephraïmites qui s’étaient mélangés à eux dans l’obscurité. 4

16 Il est intéressant de noter ce que l’auteur voit comme équivalent en philosophie : « Il signifie […] “signe de reconnaissance”, “critère de distinction” ». Cette considération peut nous renvoyer également à Drogi (2009, 59) : «  shibboleth , mot de passe qui discrimine pour tuer ».

17 Cependant, même si nous sommes d’accord sur la potentialité meurtrière que peut porter le schibboleth , il est important de ne pas le confiner au simple registre de la connaissance, tel un mot de passe, quoiqu’il s’y apparente. Il nous semble qu’il est surtout de l’ordre du capable et donc des capacités mêmes de prononciation liées à un tel terme : ce n’est pas tant que les locuteurs ne savent pas nommer tel ou tel référent dans une langue donnée, mais bel et bien que leur compétence de production phonatoire (en termes articulatoires) ne leur permet pas de le faire.

  • 5 D’ailleurs noté indifféremment schibboleth et sibboleth par Castelloti et de Robillard (2001, 63 pu (...)

18 Castelloti et de Robillard (2001) insistent sur l’aspect de « clôture » qui caractérise le schibboleth 5 . Dans leur article sur les langues et l’insertion sociale, ils emploient la comparaison à deux reprises concernant les sociolectes et leur impact social. Évoquant même la dimension identitaire « grégaire », la clôture prend forme autour de la frontière qui se matérialise donc également à travers la langue et son emploi en marquage par exclusion. Ainsi le choix du terme qui devient schibboleth n’est pas anodin. Il se fait dans un cadre de connaissance sur les caractéristiques phonologiques d’au moins deux langues. La capacité de l’une permet d’exclure l’autre qui, justement, n’aura pas la possibilité de produire le ou les phonèmes clairement identifiables pour faire ensuite du locuteur, un membre attesté de la communauté linguistique et, in fine , de la communauté sociale, ethnique ou nationale.

19 Du stade de simple terme au regard de son emploi dans la Bible à son acception plutôt ethnolinguistique, schibboleth se comporte comme un concept où il désigne une forme linguistique spécifique (ou une certaine manière de parler) qui permet à la fois d’inclure ou d’exclure un ou plusieurs locuteurs d’une communauté linguistique donnée. De même que les Galaadites se servaient du terme schibboleth pour identifier l’origine ethnique différente des Ephraïmites et, donc, les faisaient mourir, le président Trujillo va lui aussi utiliser son Ephraïmites à lui pour identifier les Haïtiens et les massacrer. Il va ainsi recourir au fameux terme de « perejil » qui a été présenté aux gens d’un phénotype proche de l’Africain (à la peau sombre) pour qu’ils le prononcent. S’ils ne parvenaient pas à le prononcer comme ses sbires l’attendaient, ces derniers s’emparaient d’eux et les assassinaient. D’où la section suivante.

2.2. Le Schibboleth du président Trujillo

20 L’utilisation d’un terme comme « perejil » n’est pas anodin. Il offre un certain nombre d’avantages dans sa praxis à la fois articulatoire, mais aussi pragmatique : - d’un point de vue articulatoire, le terme « perejil » contient les sons [r] et [x] qui appartiennent au système phonologique de la langue espagnole mais sont absents dans le créole haïtien (désormais CH) et en français d’ailleurs. Il s’agit donc d’un double élément d’exclusion. Govain (2015) a observé dans un autre contexte d’analyse que ces deux sons sont difficiles à réaliser par des locuteurs d’origine haïtienne parce que n’existant pas dans le système phonologique de la langue qu’ils connaissent le plus, le CH. - d’un point de vue pragmatique, le référent du terme est accessible dans une pratique de deixis simple. Le persil pousse en abondance et se trouve facilement dans cette partie de l’île, comme le soulignent les critiques et les auteurs mêmes de récits sur ce massacre (notamment Misrahi-Barak 2013, 165). Selon une étude de paléobotanique, la biologiste Françoise Hatzenberger relève même une existence avérée sur l’île depuis le XVIII e siècle (Hatzenberger 2001, 157).

21 Centrons-nous cependant sur les aspects articulatoires particuliers du mot « perejil ». Le son [r] est un son qui fait partie de la langue espagnole (Martinez-Celdran et al. 2003), mais qui a quasiment disparu des variantes dialectales du français de France comme du français haïtien et du CH. D’un point de vue phonologique également, la distinction entre [r] apicale et [r] roulée n’est pas pertinente en français comme en créole. Boula de Mareüil et al. (2008, 146) comparent même à des schibboleths les accents régionaux ou étrangers de certains mots qu’ils analysent dans leurs détections automatiques. Ils évoquent comme critère premier de détection, le voisement et la durée des consonnes, ce qui marque fortement la différence de [r] (et sa dimension fricative).

22 C’est que les phonèmes d’une langue étrangère, qui n’existent pas dans la langue du locuteur, passent dans le crible phonologique de celle-ci (Troubetzkoy 1986) afin d’être conformes au parler naturel du locuteur :

Le système phonologique d'une langue est semblable à un crible à travers lequel passe tout ce qui est dit. Seules restent dans le crible les marques phoniques pertinentes pour individualiser les phonèmes. Tout le reste tombe dans un autre crible où restent les marques phoniques ayant une valeur d'appel ; plus bas se trouve encore un crible où sont triés les traits phoniques caractérisant l'expression du sujet parlant. […] Et comme ce crible ne convient pas pour la langue étrangère entendue, il se produit de nombreuses erreurs et incompréhensions. Les sons de la langue étrangère reçoivent une interprétation phonologiquement inexacte, puisqu'on les fait passer par le "crible phonologique" de sa propre langue (Troubetzkoy 1986, 54).

23 Ainsi, le phonème /r/ plutôt roulé n’existant pas dans le système linguistique premier des locuteurs haïtiens, il reçoit une réalisation qui est peu ou prou semblable à celle d’un phonème qui existe dans leur crible phonologique et qui lui est proche. Il se réalise alors sous une forme le rapprochant de [l] (Govain 2015).

24 Par ailleurs, le terme ici incriminé, pour ne pas dire criminel, contient un autre son qui agit comme critère de détection. Il s’agit de la jota , un son glottal dont l’exécution n’est pas simple pour un locuteur non natif. En effet, l’occlusive glottale non-voisée [x] n’existe pas en CH. Elle y est remplacée par un phonème qui semble lui être le plus proche dans le CH, soit le /h/ (Govain 2015). Le son inconnu est passé par le prisme d’un son connu et maîtrisé à partir de la connaissance du système phonologique de sa (ses) langue(s) première(s). Cela étant, au lieu de /perexil/, comme on l’attendrait d’un ‘hispanophone natif’, ils réalisent [pelehil] en faisant passer les phonèmes étrangers dans le moule phonologique du créole. Ainsi, ils ne passent pas le test du schibboleth .

25 En ce sens, des travaux de phonétique corrective montrent qu’il nécessite une attention particulière afin d’être pleinement maîtrisé. Bottineau (2013, 22) parle de « profilage communautaire des voix et corps parlants » qu’il dénonce dans l’assignation à des motivations liées à des « mentalités ethniques ». Il y voit une forme de racisme ordinaire dans les pratiques courantes quotidiennes interculturelles, et par extension vers notre étude, nous pourrions pleinement percevoir une forme de racisme instrumenté. Le terme est pertinemment choisi comme étant difficile voire impossible à prononcer par les personnes recherchées.

26 L’expérience du schibboleth pousse parfois certains observateurs à poser un faux problème tendant à devenir un lieu commun, à savoir que les locuteurs de certaines supposées races d’hommes différentes ne seraient pas faits pour réaliser un certain nombre de sons. Nous soulignons qu’il s’agit d’un faux problème dans la mesure où tous les hommes possèdent le même appareil de production de la parole qui les soumet aux mêmes contraintes. De la même manière, tous les êtres humains, indépendamment de leurs origines, font partie d’une seule et même espèce (une seule et même « race » alors au sens populaire du terme), et possèdent le même appareil de perception de la parole. L’explication de l’existence des schibboleths malgré le fait que les hommes possèdent tous le même appareil phonateur et le même appareil de perception de la parole nous renvoie de nouveau à la notion du crible phonologique. C’est que la conscience phonologique des locuteurs se construit et se structure dans leurs langues premières et qu’ainsi ils ne sont guère capables de produire facilement des sons qui n’entrent pas dans la composition du système phonologique de ces langues. Par exemple, nous avons vu que [r] et [x] n’existent pas en CH.

27 La conscience phonologique est la faculté qu’ont les locuteurs de reconnaitre, analyser et produire des phonèmes avec leur valeur naturelle tels qu’ils fonctionnent dans le système phonologique d’une langue donnée. Elle peut aussi être la « capacité à identifier, à se représenter et à manipuler les phonèmes de façon intentionnelle » (Mared-Breton, Bessie & Royer, 2010, 74). Mais celui qui est incapable de réaliser un schibboleth le sent et le sait. Il est apte à sentir la différence entre sa production et celle des autres. À force de persévérance, il pourra finir par réaliser les éléments phonétiques qu’il est, au début, incapable de produire.

28 Pour finir sur la dimension praxique, notons que cette région de l’île particulièrement, possède du persil. Nous avons pu le constater par nous-même lors d’enquêtes de terrain, que ce soit à l’état naturel ou sur les étals des marchés. Ceci offre un double avantage pour rendre le choix d’un tel schibboleth pleinement opérationnel. Tout d’abord, il est aisé de trouver cette plante pour la montrer. L’acte de deixis est ainsi pleinement facilité grâce à la présence, voire l’abondance du référent. Ensuite, il ne peut y avoir une incompétence vis-à-vis du référent, c’est-à-dire qu’il fait partie du savoir populaire et qu’il entre dans une potentielle pratique au quotidien. Sa connaissance et sa reconnaissance sont presque indéniables. Tous ces éléments en font donc un élément d’une efficacité redoutable quand on connaît ici sa visée finale.

6 Article du quotidien national Le Nouvelliste , consulté le 28 février 2017.

29 En 2007, à l’occasion de la commémoration du 70 e anniversaire du massacre de 1937, un regroupement de citoyens haïtiens, dont une forte majorité d’enseignants d’université, a lancé le Comité-Mémoire 1937 dans la perspective de garder vivant cet événement qui marque durablement la vie sociopolitique d’Haïti et les relations haïtiano-dominicaines. Les principaux objectifs de ce collectif d’intellectuels sont de trois ordres : (1) de garder vivante la mémoire des victimes de 1937, (2) de faire connaître et d’analyser l’histoire des relations entre la République d’Haïti et la République dominicaine, afin d’éviter que de tels évènements ne se reproduisent à l’avenir, (3) de faire des propositions constructives pour améliorer les rapports entre les deux pays 6 .

30 Revenons à la question de la langue. Pour Calvet (2012, 55), « les langues ne se font pas la guerre et ne sont pas des “armes de guerre”, mais elles ont leur place dans les conflits sociaux ». Dans cet article, on peut trouver une des illustrations les plus belliqueuses, voire cruelles, de la langue. Un terme comme outil de détection des capacités linguistiques et, par conséquence, d’assomption de nationalité, a mené à une série de massacres de plusieurs dizaines de milliers d’individus. Les Haïtiens et les Dominicains d’ascendance haïtienne n’ont pas été tués à cause de leur langue, ni parce qu’ils ne maitrisaient pas (ou pas suffisamment) bien la langue de l’Autre (la langue espagnole). Mais la langue, alors, pour exprimer cela de manière générique, a été utilisée comme une arme de détection à grande échelle vu l’ampleur des massacres, et donc une arme de détection massive au service d’un président dictateur…

31 Les mots de Barthes (1978, 14) prennent alors une résonance encore plus forte : « Mais la langue, comme performance de tout langage, n’est ni réactionnaire, ni progressiste ; elle est tout simplement : fasciste ; car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire ».

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1 Respectivement, Alexis J acques Stephen, 1955, Compère Général Soleil , Paris, Gallimard, et P hiloctète René, 1989, Le peuple des terres mêlées , Port-au-Prince, Editions Henri Deschamps ; mais pour être des plus complets, il faudrait ajouter la contribution de la poétesse Rita Dove (D ove Rita, 1983, « Parsley » In Museum , Pittsburgh, Carnegie-Mellon University Press).

2 Selon la Banque Mondiale, le PIB (Produit Intérieur Brut) par habitant est de 818,3 dollars américains en Haïti et 6 468,5 dollars américains en RD (soit près de huit fois plus) ; site officiel consulté le 28 février 2017 : http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.CD

3 Pour une approche plus spécifique du côté dominicain, lire Bourgeois 2013. Pour une étude davantage centrée sur Haïti, voir Labelle 1978.

4 La version Bible du Semeur fait référence à ce récit dans Juges 12 : 6 : « ils lui ordonnaient de prononcer le mot Chibboleth. S’il disait « Sibboleth, parce qu’il n’arrivait pas à le prononcer comme eux, ils le saisissaient et l’exécutaient près des gués du Jourdain. Quarante-deux mille hommes d’Ephraïm périrent en cette circonstance ».

5 D’ailleurs noté indifféremment schibboleth et sibboleth par Castelloti et de Robillard (2001, 63 puis 64).

Pour citer cet article

Référence électronique.

Arnaud Richard et Renauld Govain , «  Schibboleth, la langue comme arme de détection massive : 1937, le massacre des Haïtiens  » ,  Lengas [En ligne], 80 | 2016, mis en ligne le 23 mars 2017 , consulté le 28 septembre 2024 . URL  : http://journals.openedition.org/lengas/1193 ; DOI  : https://doi.org/10.4000/lengas.1193

Arnaud Richard

UMR 5267 Praxiling CNRS & Université Paul-Valéry Montpellier 3 LangSÉ Faculté de Linguistique Appliquée – Université d’État d’Haïti

Renauld Govain

LangSÉ Faculté de Linguistique Appliquée – Université d’État d’Haïti

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Du massacre de 1937 à la sentence 168-13 : conflit fatal ou solidarité ? Notes d’un parcours littéraire des rapports entre Haïti et la République Dominicaine

  • Sophie Maríñez
  • Published 5 April 2018
  • Political Science

58 References

Representar el "problema de lo haitiano" o el problema de representar lo haitiano: una lectura de textos literarios dominicanos del 2000.

  • Highly Influential

Mito y feminismo en Marassá y la nada de Alanna Lockward

Homeland, poetry, and justice: julia álvarez engages pedro mir, alegorías de una hermandad atormentada: haití en la literatura dominicana, a world destroyed, a nation imposed: the 1937 haitian massacre in the dominican republic, there are two countries, the fear of french negroes: transcolonial collaboration in the revolutionary americas, multiplying archives, “yo no soy racista, yo defiendo mi patria”: síntomas y efectos nacionalistas en república dominicana, not a cockfight, related papers.

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Le devoir de mémoire : le massacre de Nankin 1937

Résumé du document.

Le massacre de Nankin en 1937 est un événement de la seconde guerre sino-japonaise durant lequel les troupes japonaises se livrèrent à des atrocités contre la population civile de la ville chinoise de Nankin. Ce massacre a fait près de 300 000 victimes. Sans compter les 20 000 viols qui ont été perpétrés.

  • Les origines du massacre
  • Le massacre
  • Comprendre la rivalité Chine-Japon

[...] Des bébés furent jetés en l'air par des soldats japonais et empalés sur des baïonnettes. Une unité nipponne, l'unité 731, a même charcutée des prisonniers en vue d'expérimentations médicales dont les Américains ont récupéré les résultats scientifiques au prix du silence et au mépris du droit humanitaire. Cette unité se livra aussi à des expériences de guerre bactériologique et à des vivisections sur plus de personnes, pour la plupart des civils chinois et a mis en pratique ses découvertes en propageant des épidémies à travers l'eau des puits. [...]

[...] D'abord, s'emparer de la Mandchourie pour les matières premières. Ensuite, de la Chine pour la main-d'œuvre (450 millions d'habitants). Puis de l'Asie du sud-est (en particulier l'Inde) pour la richesse religieuse Et enfin, s'attaquer à l'Australie et aux Etats-Unis : Dernière étape pour dominer le monde (en compagnie de l'Allemagne nazie en Europe). Le Japon (fort de 75 millions de guerriers prêts à mourir pour leur Empereur Hiro-Hito, considéré comme un demi-dieu se sentait investir d'une mission : Celle d'affranchir l'Asie de la domination blanche La libération des différents peuples de l'Asie devait se faire petit à petit pour ne pas soulever la colère du reste du monde, et cela, sous la coupe de la race supérieure qu'est le Japonais. [...]

[...] Mais, espérons que le nouveau premier ministre japonais, Shinzo ABE, soit l'homme de la réconciliation. [...]

[...] En 1937, suite à l'Incident du pont Marco Polo, Hirohito donna son accord à l'invasion du reste du territoire chinois, ce qui conduisit à la Guerre sino-japonaise (1937-1945) II Le massacre Le 7 juillet 1937, les Japonais prennent prétexte d'un incident sur le pont Marco Polo, près de Pékin, et vont se lancer brutalement à la conquête de toute la Chine. En quelques mois, ils occupent près d'un million de kilomètres carrés peuplés de 60 millions d'habitants et mettent en œuvre une politique de terreur systématique pour tenter d'abattre la résistance intérieure. Les massacres deviennent la règle et atteignent leur maximum avec la prise de Nankin, ancienne capitale de la Chine et siège éphémère du gouvernement du chef des nationalistes chinois, Tchang Kaï-chek. S'ensuit six semaines d'horreur, du 13 décembre 1937 à janvier 1938. [...]

[...] Shinzo ABE, le successeur de KOIZUMI, reste anti-chinois, bien qu'il soit un peu plus diplomate Il est possible qu'il renonce aux visites au sanctuaire, mais jamais il ne renoncera à l'hostilité en vers le gouvernement de Pékin. Sur le plan économique, ses deux géants sont très liés, mais ne cessent de s'affronter. En 2005, la Chine est devenue le premier partenaire commercial du Japon. De plus, les investissements japonais en Chine ont augmenté de près de pour atteindre 6,5 milliards de dollars (loin devant les Etats-Unis ou l'Union Européenne). Malgré leurs désaccords, la Chine a besoin des investissements, de la technologie et du marché japonais. Cela pourrait contribuer à l'apaisement de leur relation. [...]

  • Nombre de pages 4 pages
  • Langue français
  • Format .doc
  • Date de publication 27/03/2007
  • Consulté 4 fois
  • Date de mise à jour 27/03/2007

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Le massacre d’octobre 1937 des Haïtiens sombre dans l’oubli

Ce mois d’octobre marque la 81e année de la commémoration du « massacre de Perejil » en République dominicaine.

Eunice Eliazar

Ce mois d’octobre marque la 81e année de la commémoration du « massacre de Perejil » en République dominicaine. En effet, lors de ce massacre d’octobre 1937, plus d’une dizaine de milliers d’Haïtiens vivant sous le régime dictatorial de Rafael LéonidasTrujillo ont été abominablement assassinés.

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Doc. 1 Maintenir le secret

Doc. 2 animaliser les victimes, doc. 3 le charnier de sandarmokh (carélie).

Découverte de fosses communes à Sandarmokh, 6 août 1997, photographie anonyme.

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Doc. 5 Une victime des « opérations de masse » : Alexandra Petrovna Nikolaieva, marchande de fleurs

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Massacre de 1937 : Pour répondre à un devoir de mémoire

  • Maismy-Mary Fleurant

Español

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  • Massacre de 1937 : Pour répondre à un devoir de mémoire    16/10/2007

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persee.fr

Les « opérations de masse » de la « Grande terreur » en URSS (1937-1938)

sem-link

  • Référence bibliographique

Werth Nicolas. Les « opérations de masse » de la « Grande terreur » en URSS (1937-1938) . In: Bulletin de l'Institut d'Histoire du Temps Présent , n°86, 2006. Les Opérations de masse de la Grande Terreur en URSS (1937-1938) pp. 6-33.

DOI : https://doi.org/10.3406/ihtp.2006.1839

www.persee.fr/doc/ihtp_0247-0101_2006_num_86_1_1839

  • RIS (ProCite, Endnote, ...)

doc-ctrl/global/pdf

Bulletin de l'IHTP

Les «opérations de masse » de la «Grande Terreur » en URSS, 1937-1938

Nicolas Werth

Soixante-dix ans après les grands «procès de Moscou », cinquante ans après le «Rapport secret » de Nikita Khrouchtchev au XXe congrès du PCUS, et quinze ans après l’ouverture des archives soviétiques, il est enfin possible de prendre la mesure exacte de ce que fut la «Grande Terreur » des années 1937-1938 en URSS.

Disons-le d’emblée : les grands procès de Moscou et le «Rapport secret » ont, chacun à leur manière, été de formidables «événements-écrans » qui ont caché la nature et la véritable ampleur des répressions de masse durant les années 1937-1938.

En effet, les «procès de Moscou », parodies de justice largement couvertes par les médias -tant soviétiques qu’occidentaux -ont durablement masqué l’autre face, secrète, de la «Grande terreur » -celle des «opérations répressives de masse » dévoilées seulement après la chute de l’URSS, au début des années 19902.

Quant au «Rapport secret », qui donnait une vision très partielle et sélective des crimes de Staline, il a longtemps fait croire que la répression a été dirigée principalement contre les cadres communistes du Parti, de l’économie et de l’armée -une opinion encore largement partagée par un certain nombre d’historiens, pour lesquels la «Grande Terreur » reste, pour l’essentiel, une «grande purge » du Parti, plus sanglante que les autres3. En réalité, la «Grande Terreur » fut d’abord et avant tout, une immense opération d’ingéniérie sociale visant à liquider définitivement tous les éléments jugés «étrangers » ou «nuisibles » à la nouvelle société socialiste en cours d’édification.

La publication récente de documents relatifs à la préparation du XXe Congrès et aux discussions qui eurent lieu, au plus haut niveau politique, c’est-à-dire au Praesidium du Comité central du PCUS, autour de la genèse du «Rapport secret »4, montre clairement

2. La première publication de «l’ordre opérationnel du NKVD n° 00447 » du 30 juillet 1937, point de départ de la plus meurtrière des «opérations répressives de masse » de la «Grande Terreur » parut dans le journal Trud, le 4 juin 1992. D’autres documents sur ces «opérations de masse » parurent, peu de temps après, dans le journal Moskovskie Novosti du 21 juin 1992.

3. Cf. Igal Halfin, Terror in My Soul. Communist Autobiographies on Trial, Harvard University Press, 2003, p. 3.

4. A. Artisov, lu. Sigacev, I. Shevtchouk, V. Khlopov (dir.) , Reabilitatsia. Kak eto bylo. Dokumenty Presidiuma TsK KPSS i drugie materialy, mart 1 953 -fevraT 19 56, (Réhabilitation.

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  20. PPO 1

    https://bit.ly/2LqZj4u. 3. La Grande Terreur est un crime de masse méticuleusement orchestré par le NKVD, comme en témoigne l'extrait de la directive n° 00447 du 30 juillet 1937 : - celle-ci décrit précisément les étapes de l'opération, qui démarre le 5 août 1937, et scelle le sort des « éléments antisoviétiques ».

  21. 1937-1938 : la Grande Terreur en URSS

    Retrouvez la leçon et de nombreuses autres ressources sur la page 1937-1938 : la Grande Terreur en URSS. Nos manuels. Se connecter ... En juillet 1937, sur ordre de Staline, le NKVD, organisme chargé de maintenir l'ordre en URSS, instaure des quotas d'individus à arrêter dans chaque région, selon des critères très flous visant toutes les ...

  22. Massacre de 1937 : Pour répondre à un devoir de mémoire

    Le massacre des Haïtiens en République Dominicaine a été un acte inique qui interpelle encore aujourd'hui la conscience des Dominicains et des Haïtiens. Pour répondre à ce devoir de mémoire, je me donne la mission de retracer les circonstances de cette horrible tragédie. Les générations présentes doivent savoir ce qui s'est réellement passé ces tristes jours d'octobre de l ...

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